Vu par le Dr Hervé Maisonneuve

Congrès distanciels, présentiels, voire hybrides : qui va gagner ?

Publié le 11/02/2022
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Des congrès ont été mis en péril par la pandémie. Ils doivent se réorganiser avec les nouvelles technologies. Maintenant, certains congressistes préfèrent rester en pyjama devant un écran en pensant à leur bilan carbone. Les congrès vont rapidement changer, peut-être au profit d’une science plus collaborative avec une meilleure inclusion des jeunes. Mais à quoi servent les congrès ?

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La Covid-19 a modifié nos habitudes de manière pérenne, y compris pour les congrès scientifiques. Avant la pandémie, des congrès étaient boudés par des chercheurs sensibles au développement durable. Des collègues ont arrêté ces aller-retours dans un pays éloigné pour afficher un poster pendant 48 heures.

Les congrès distanciels ont été imposés par la pandémie

Des données de grands congrès, souvent nord-américains en physique et neurosciences, nous questionnent. Les problèmes techniques ont presque disparu. La transmission instantanée des présentations est bonne (sous réserve du réseau internet du participant). Des discussions simultanées par le chat créent de nouvelles interactions. Naviguer pour voir des posters, des publicités, des espaces de sponsors, ou d’autres initiatives pendant les temps morts, sont de nouvelles habitudes… Formidable. Les organisateurs ne louent plus de grandes salles et sous-traitent à des sociétés audiovisuelles ayant des coûts importants. La diminution des prix d’inscription peut être compensée par une augmentation du nombre de congressistes et la disparition de certaines dépenses.

Le public est différent : plus jeune, plus de femmes, plus de minorités, plus de chercheurs de pays en voie de développement, des handicapés, et peut-être moins de têtes grises. Avec le «chat», tous questionnent et des discussions sont inattendues. Des discussions de convenance sociale entre têtes grises ont été remplacées par de vrais débats. Des questions de jeunes chercheurs qui ne s’exprimaient pas dans une salle sont facilitées. Les évaluations des participants varient de la satisfaction au rejet du modèle.

J’ai testé ces congrès et des systèmes d’espaces dédiés pour les pauses. Le congressiste quitte le site du congrès pour aller dans un espace dérivé des jeux vidéos. Chaque participant a son avatar et se déplace dans un espace virtuel avec des jardins, des arbres, des plans d’eau, ou des salles de réunion. Avec son avatar, le congressiste s’approche d’un collègue, d’un petit groupe ou entre dans une salle, et sa caméra s’allume automatiquement. Il parle avec ses interlocuteurs… et en s’éloignant, sa caméra s’éteint. En entrant le nom d’un collègue, son avatar va à sa rencontre… Formidable.

Les congrès présentiels gardent un intérêt

Manne financière pour les Sociétés savantes et les villes d’accueil, les congrès présentiels ont leur place. Ils créent une activité économique, et permette d’allier formation, échanges avec des pairs, avec tourisme et convivialité. Les discussions en présentiel facilitent des interactions professionnelles et une gestuelle qui transmet des messages non perçus en distanciel. Des chercheurs aiment quitter leur contexte professionnel, familial et social et être dépaysés pour initier des réflexions utiles à leur travail. Des soirées ludiques permettent de développer des réseaux, de mieux connaître des collègues, d’envisager des projets. Le modèle hybride devient parfois la norme, associant des retransmissions des sessions.

Les Sociétés savantes, principaux organisateurs de congrès, ont réagi à la pandémie. Elles ont été confrontées à diverses situations : annulation en quelques jours de congrès de 10 000 personnes, payer des locations de salles vides, remboursement des inscriptions, émission de vouchers aux participants, report d’un an impossible pour les congrès annuels, mise en ligne de résumés et posters déjà acceptés. Des outils performants de visioconférence ont été utilisés. Le nouveau modèle économique pour les congrès distanciels et les congrès hybrides (distanciels et présentiels) inquiète les Sociétés savantes et autres organisateurs de congrès.

Le changement, accéléré par la pandémie, est en route. Est-ce une question de génération ? Participer à un congrès en pyjama avec le confort de son domicile satisfait certains de nos collègues… et moi j’aime bien. Des questions fondamentales ne sont pas résolues : à quoi servent les congrès ? Peut-on tolérer le bilan carbone ? Est-ce que le métavers (1) sera le nouveau mode des congrès, avec un espace virtuel pour nos échanges ?

(1) Métavers (méta-univers) : monde virtuel fictif. Ce terme décrit une future version d'Internet où des espaces virtuels, persistants et partagés sont accessibles via interaction 3D.
Exergue : Avec son avatar, le congressiste s’approche d’un collègue, d’un petit groupe ou entre dans une salle, et sa caméra s’allume automatiquement.

Dr Hervé Maisonneuve
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Source : Le Quotidien du médecin