Délégations de tâches, nouvelles compétences : un rapport parlementaire bouscule les professions de santé et défend la « logique de l'escalier »

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Publié le 08/07/2021
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Crédit photo : S. Toubon

Les frontières entre les professions de santé seront-elles les mêmes dans dix ans ? Dans un rapport rendu public mercredi 7 juillet, le député (Modem) Cyrille Isaac-Sibille s'emploie à répondre à cette question en défendant l'idée d'une montée en gamme des différents métiers et d'un décloisonnement.

L'élu du Rhône s'est vu confier cette mission au mois de mai après la polémique soulevée par la loi « Rist » qui visait à traduire un certain nombre de mesures non financières du Ségur de la santé. Dans sa version initiale, le premier article de ce texte envisageait la création d'une profession médicale « intermédiaire », pont entre l'infirmière titulaire d'un bac+3 et le médecin à bac+10. Mais la proposition avait été enterrée après le tollé provoqué dans le corps médical qui y voyait le retour des officiers de santé du XIXe siècle.

Conscient de l'impossibilité d'un consensus immédiat sur ce sujet, le Dr Isaac-Sibille, médecin ORL, a auditionné l'ensemble des organisations professionnelles dans chaque filière – visuelle, auditive, santé mentale, soin, bucco-dentaire, anesthésie, enfance – et tenté de (re)dessiner les contours des métiers à l'horizon de dix ans.

Exercice libéral pour les aides-soignantes

« Depuis 16 mois, la crise a provoqué un séisme », a expliqué le député Cyrille Isaac-Sibille en dévoilant son rapport. Il donne en exemple la campagne de vaccination contre le Covid-19. « Auparavant, cet acte était réservé au médecin et éventuellement au pharmacien, aujourd'hui l'ensemble des professions de santé vaccinent », fait-il remarquer. Ce constat, qui s'ajoute à « l'explosion des maladies chroniques », rend pour lui inévitable une remise à plat du système actuel « dans lequel la répartition des compétences entre professions médicales et paramédicales est extrêmement rigide ».

Aussi propose-t-il une « montée en compétences » de l'ensemble des professionnels de santé. Selon une logique dite « en escalier », chaque professionnel paramédical verrait son périmètre d'actes autorisés s'accroître et se complexifier. Les aides-soignantes par exemple, dotées d'un plein exercice libéral, pourraient par exemple hériter de missions de prévention et d'accompagnement des personnes âgées à domicile.

Parallèlement, le député Isaac-Sibille veut multiplier les infirmières en pratique avancée (IPA) notamment en libéral. Et il souhaite surtout étendre cette forme d'exercice à d'autres auxiliaires médicaux comme les techniciens de laboratoire ou les manipulateurs en électroradiologie. Afin de partager (entre plusieurs métiers) et valoriser la prévention, une rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) serait instaurée pour ce corps infirmier.

Médecin chef d'équipe

Dans cette logique de montée en compétences – individuelle et collective –, le médecin généraliste – situé en haut de l'« escalier » – deviendrait « un coordinateur des soins ». Sa mission consisterait à « poser le diagnostic » et à organiser la prise en charge du patient dans une approche collégiale et pluriprofessionnelle. « Le médecin est un chef d'équipe », résume le Dr Isaac-Sibille.

Cette approche suppose à ses yeux une intensification du travail en équipe, soutenu par le déploiement des usages numériques. Pour renforcer la dynamique collégiale, le député veut instaurer de nouvelles modalités de financement basées sur des « forfaits par pathologie », sur la base d'indicateurs (une piste aussi étudiée par la CNAM). Il souhaite également généraliser au niveau national les protocoles de coopération qui font leurs preuves au plan local. 

Adopté à l'unanimité par les députés de la commission des affaires sociales, le rapport vise à proposer des solutions rapides d'évolution des métiers. « Certaines propositions ont leur place dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale », affirme déjà le député, bien décidé à rebattre les cartes de l'organisation des professions de santé. 


Source : lequotidiendumedecin.fr