Des médecins convaincus sur le fond, parfois moins par la méthode

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Publié le 12/10/2017
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Alors que la défiance fait vaciller la profession avec plus d'un médecin sur 10 ayant déclaré ne pas avoir l'intention d'insister face à un refus de vaccin en cas de levée de l'obligation (enquête PACA), la communauté médicale dans son ensemble se dit en accord avec la volonté de la ministre de la santé d'améliorer le taux de couverture vaccinale des enfants.

Si de très nombreux syndicats et sociétés savantes ont affiché leur franc soutien, des médecins généralistes, notamment le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), sont plus partagés sur la méthode employée, qui va à l'encontre des concepts modernes d'autonomie et de décision partagée développés ces dernières années. À cet égard, les médecins sont unanimes pour réclamer que les autorités publiques accompagnent la décision d'un plan fort de communication et d'information.

Des pétitions de médecins pour soutenir la ministre

Déjà fin juin 2017 dans une pétition publiée dans « le Parisien », 200 grands médecins avaient pris position en faveur de la vaccination obligatoire, notamment « parce que les lobbys anti-scientifiques et anti-vaccination et adeptes des médecines dites naturelles, manipulent l'opinion en jouant sur la peur sans apporter la moindre preuve de leurs allégations ».

Alors que des décisions de justice peuvent entretenir le doute, notamment celle subtile de la Cour européenne concernant le lien entre vaccin hépatite B et maladie auto-immune, la ministre a déclaré lors des Journées parisiennes de pédiatrie le 6 octobre vouloir faire « revenir la raison dans la société, qui oppose ce qui n'a pas à l'être, un fait scientifique et une croyance, le rationnel et l'irrationnel ».

À l'heure où le PLFSS est en train de se jouer, des sociétés scientifiques et professionnelles, à l'initiative du SPILF et du CMIT, ont manifesté leur appui à travers un communiqué de presse publié le 6 octobre. Parmi les signataires, on compte l'Institut Pasteur, de très nombreuses sociétés savantes (infectiologie, pédiatrie, gynéco-obstétrique, gastro-entérologie, gériatrie, etc), mais aussi de syndicats (médecins de PMI) et les Académies de Médecine, de Pharmacie et des Sciences infirmières, la première ayant déjà affiché son total soutien.

Et des voix détonantes en médecine générale

Du côté des médecins généralistes, MG France a fait savoir son accord par communiqué début juillet. Le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège de médecine générale (CMG), introduit, quant à lui, un léger bémol : « C'est la moins mauvaise des solutions. En l'absence d'obligation, on donne raison aux antivaccins. En contraignant, on augmente les résistances. L'irrationnel et la réalité virtuelle prennent plus de puissance que la vraie vie. Le cadre légal aura la vertu d'aider les médecins ».

L'analyse du syndicat des internes en médecine générale (SIMG) est sensiblement différente. Bien que favorable, le syndicat conditionne l'obligation à un accompagnement avec « une mise à disposition de supports de communication » pour « pouvoir répondre à toutes les questions des patients », explique son nouveau président, le Dr Maxence Pithon.

Mais les réserves les plus vives sont exprimées par le CNGE et le syndicat des jeunes médecins généralistes (SNJMG), qui jugent la méthode « critiquable ». Pour le Dr Émilie Frelat, présidente du SNJMG : « On n'est ni pour, ni contre. La médecine paternaliste n'a plus cours aujourd'hui. Pourquoi ne pas avoir essayé d'abord la pédagogie ? ». 

Le point de vue du Pr Vincent Renard, président du CNGE qui avait publié une tribune dans « Le Monde » mi-juillet, est plus virulent : « Il n'y a aucune urgence sanitaire qui justifie cette décision. Pour les deux vaccins pointés du doigt, le vaccin contre le méningocoque C et le ROR, il n'y a eu aucune grande campagne de santé publique, comme il y en a eu pour les antibiotiques ». Le professeur de médecine générale regrette également qu'il n'y ait pas eu de phase d'expérimentation pour s'assurer de l'efficacité de la mesure car « la contrainte peut avoir des effets contre-productifs, c'est une tribune rêvée pour les antivaccinaux », estime-t-il.

Lors de son audition à la Commission des Affaires sociales le 3 octobre 2017, le Pr Fischer avait insisté sur l'accompagnement nécessaire par des mesures de communication, comme « pour la prévention routière, pourquoi pas avec des images choc », avait-il suggéré. Une campagne grand public est en cours de préparation pour début janvier 2018, a annoncé la ministre.

 


Source : Le Quotidien du médecin: 9609