Entretien

Dr Jean-Jacques Avrane (Ordre) : les médecins ne sont pas de bons soignants pour eux-mêmes

Publié le 06/06/2016
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LE QUOTIDIEN : Quels éléments de réflexion ont incité de Conseil de l’Ordre des Médecins de Paris à mettre en place une consultation de prévention ?

Dr JEAN-JACQUES AVRANE : L’Ordre des médecins a une mission d’entraide qui se caractérise par une écoute des confrères dans la difficulté afin de leur apporter une aide morale, psychologique mais aussi matérielle et financière. Ces aides peuvent concerner le médecin lui-même mais aussi sa famille et ses enfants (bourse d’étude attribuée par l’AFEM par exemple). Devant le nombre croissant de demandes d’entraide liées à des pathologies diverses (somatiques, psychiatriques, burn out…), nous avons mené une réflexion sur l’intérêt de mettre en place une consultation de prévention.

Dans un second temps, c’est au sein du Conseil que nous avons eu des discussions. On sait en effet que les médecins ne sont pas des bons soignants pour eux-mêmes : ils ont tendance à négliger certains signes cliniques ou à les minimiser. En outre – et c’est aussi le cas au sein du Conseil, nombre de médecins libéraux se déclarent comme étant leur propre médecin traitant. Ils ne cherchent généralement pas à raconter leurs souffrances ou à parler de leurs inquiétudes sauf à certains amis médecins proches qui ne sont pas à même de les examiner avec objectivité.

La dimension de prévention n’est-elle pas assez développée chez ces confrères ?

S’ils sont rigoureux pour la prévention pour leur patientèle, ils le sont souvent beaucoup moins pour eux. Globalement, ce sont des médecins qui travaillent beaucoup et n’ont souvent pas de temps à consacrer à leur santé. Il faut aussi reconnaître que certains autres sont des stakhanovistes de la prévention, angoissés comme tous les autres patients… Ce qui est particulier pour les libéraux, c’est qu’ils n’ont pas accès à la médecine du travail.

En prenant en compte tous les éléments de discussion, le Conseil de l’Ordre des médecins de Paris a analysé les différentes propositions de suivi des médecins libéraux, qui sont encore peu nombreuses en France en dehors d’expériences pilotes. C’est ainsi qu’une convention a pu être signée avec la Caisse parisienne d’assurance-maladie. Ce mode de collaboration permet au Conseil de l’Ordre de faire bénéficier gratuitement à ses médecins de consultations qui sont intégralement prises en charge par la caisse.

La difficulté de la mission prévention vient du manque de possibilité de repérage des confrères qui n’osent pas demander des aides, une assistance ou simplement le recours à un confrère de façon tout à fait anonyme. C’est pour cette raison que nous informons régulièrement les médecins parisiens de la possibilité de consultation de prévention par toutes les voies de communication du Conseil départemental : bulletin, site internet, contacts individualisés…


Source : Le Quotidien du médecin: 9502