Entretien

Dr Rachel Bocher (INPH) : « La loi de santé ne contient aucun élément d’attractivité »

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Publié le 20/04/2015
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LE QUOTIDIEN : Quel regard portez-vous sur le projet de loi de santé voté à l’Assemblée ?

DR RACHEL BOCHER : Nous attendions depuis trois ans cette loi, nécessaire à l’hôpital et à la santé publique. Le texte contient quelques avancées mais rien sur la révolution de la médecine de parcours envisagée au début du quinquennat.

Point positif, le rééquilibrage de la gouvernance hospitalière entre pouvoirs directorial et médical, le processus de nomination des chefs de pole et le retour des chefs de service vont dans le bon sens.

Le prolongement de l’activité du PH jusqu’à 72 ans (cumul emploi retraite) est un élément statutaire qui contribue aussi à un meilleur fonctionnement du système hospitalier.

Mais exercer jusqu’à 72 ans, est-ce attractif pour un PH ?

Certes, cela risque de faire rire jaune les jeunes médecins ! Hors gouvernance, la loi ne contient aucun élément d’attractivité pour les PH. Sur ce point, la pilule est dure à avaler… Prenez la création du corps de PH remplaçants. C’est une solution précaire à l’intérim médical, souvent le fait du PH qui y consacre ses jours de congés et RTT. Même constat sur l’activité libérale, que la loi veut encadrer. Beaucoup de PH y ont recours pour des raisons financières. La loi passe à côté du problème de l’attractivité.

La mission Le Menn sur l’attractivité des carrières à l’hôpital comblera-t-elle les lacunes de la loi ?

Nous y travaillons mais sans connaître nos marges de manœuvre. Sur la question du temps de travail, nous avons pris la discussion par le petit bout de la lorgnette, en nous focalisant sur le temps forfaitisé réservé aux activités non cliniques. Cette notion s’est immiscée dans nos discussions lorsque les urgentistes ont négocié un accord distinguant temps médical et non médical, l’hiver dernier. L’INPH refuse le travail à la découpe et la pointeuse. Nous ne sommes pas des fonctionnaires.

Que proposez-vous ?

Un PH, c’est 35 heures de travail avec 10 demi-journées et 20 jours RTT ! L’attractivité présuppose une revalorisation en début de carrière, de l’échelon 1 à l’échelon 6*. Reconnaître le travail d’enseignement et de recherche par des valences d’une ou deux demi-journées, et décompter le travail de nuit en trois demi-journées plutôt que deux sont d’autres pistes.

Côté moyens, les 15 % à 20 % de postes vacants pourraient dégager le financement nécessaire. Je rappelle que ce taux de postes vacants peut atteindre 40 % pour les spécialités de bloc, la radiologie et la psychiatrie.

Vous rencontrez Manuel Valls le 28 avril. Que lui direz-vous ?

Mon impatience face au retard à l’allumage de la loi ! J’évoquerai aussi la grande conférence de santé. Il y sera question de médecine de parcours, de virage ambulatoire, de coordination interprofessionnelle, des notions absentes de la loi. Nous, hospitaliers, savons comment réduire la durée des séjours, créer une articulation claire entre ville, hôpital et médico-social. Je dirai au Premier ministre que nous sommes prêts à travailler aux côtés des autres acteurs du système de santé.

* Selon la grille indiciaire du PH à temps plein, le salaire brut oscille entre 4 081 euros et 4 871 euros au cours de ces six premiers échelons.
Propos recueillis par Anne Bayle-Iniguez

Source : Lequotidiendumedecin.fr: 20150420