Bernard Kouchner raconte sa loi emblématique

Droits des malades : dix ans de réflexion et une « œuvre collective »

Publié le 04/07/2013
Article réservé aux abonnés
1372900568445725_IMG_108415_HR.jpg

1372900568445725_IMG_108415_HR.jpg
Crédit photo : S Toubon

« C’était une belle loi. Les gens le savent et y font encore souvent allusion », résume non sans une pointe de fierté Bernard Kouchner au moment d’évoquer « sa » loi éponyme sur les droits des malades et la qualité du système de soins. Promulguée à deux mois de la fin de son troisième et dernier exercice de ministre de la Santé sous le gouvernement Jospin, la loi du 4 mars 2002 restera une « œuvre collective » qui « doit beaucoup » à son ancien directeur de cabinet Didier Tabuteau, aujourd’hui conseiller d’État et responsable de la Chaire santé de Sciences Po Paris.

Charte du patient hospitalisé, douleur et aléa thérapeutique.

« Mais avant la promulgation de la loi, il y a eu au moins 10 ans de réflexion tournée vers un individu qui apparaissait alors très peu dans les considérations du ministère de la Santé, à savoir la personne malade », raconte Bernard Kouchner.

La loi du 4 mars 2002 est en effet le résultat d’une nouvelle dynamique amorcée dès mai 1995 avec la charte du patient hospitalisé, qui insistait sur le fait que ce dernier n’est « pas seulement un malade » mais « avant tout une personne avec des droits et des devoirs ».

Puis suivit en juin 1996 la présentation au Conseil économique et social du rapport de Claude Evin sur les droits de la personne malade, préconisant entre autres un mécanisme pour assurer l’indemnisation de l’aléa thérapeutique. Un autre temps fort fut l’annonce en février 1998 par Bernard Kouchner du premier plan triennal de lutte contre la douleur, appelant en premier lieu à une meilleure prise en compte de la « demande » du patient par les professionnels.

Le juste choix des mots.

Vinrent ensuite les États généraux de la santé entre l’automne 1998 et le mois de juin 1999 qui firent apparaître les insuffisances législatives en matière de droits des malades et tracèrent une feuille de route. « Lorsqu’on s’est interrogé sur la place du patient dans le système de soins, les mots comptaient beaucoup », se remémore Bernard Kouchner. « J’ai toujours détesté le mot patient qui évoque une personne qui subit. Je n’aimais pas non plus la dénomination d’usager qui fait trop "centre commercial" à mon goût et qui chosifie terriblement. Au final, il a fallu deux ans pour se mettre d’accord sur la notion de personne malade », raconte l’ancien ministre de la Santé.

« Très vite durant les débats, on est arrivé à quelque chose qui a fait scandale auprès des médecins : l’accès au dossier médical qui demeure encore aujourd’hui un point de résistance du côté du corps soignant », poursuit-il. « À l’époque, on a tenu bon. Il y avait certes des gens hostiles, quelques médecins réacs, mais même ceux-là étaient fiers qu’on amène un débat si difficile au Parlement », explique l’ancien ministre.

Quasi-unanimité.

Le projet de loi sur les droits des malades et la qualité du système de santé aura surtout connu « le bonheur de rencontrer une vraie compréhension, en particulier de la presse », relève Bernard Kouchner.

Ce bon accueil général de la société française a sans nul doute pesé lors du vote des 126 articles d’un projet de loi adopté à la « quasi-unanimité », ajoute-t-il.

Si les droits des malades ont fait l’objet d’une progressive structuration juridique et institutionnelle importante en France, ils rencontrent encore des problèmes de diffusion, de promotion et d’appropriation, comme l’ont souligné plusieurs rapports publiés en 2011 à l’occasion de l’année des patients. D’autres dossiers cruciaux émergent comme l’accès partagé aux données de santé. Pour aller plus loin, « il faudrait refaire des États généraux, des vrais », suggère Bernard Kouchner.

SAMUEL SPADONE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9256