De diagnostics énergétiques en bilans carbone

Eau, gaz, déchets... doucement mais sûrement, l’hôpital vorace s’adapte au défi environnemental

Publié le 28/05/2015
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Avant d'investir dans le photovoltaïque ou d'acquérir des champs d'éoliennes, des solutions...

Avant d'investir dans le photovoltaïque ou d'acquérir des champs d'éoliennes, des solutions...
Crédit photo : AFP

Dans le monde de la santé, la problématique environnementale est longtemps restée hors du radar des décideurs. « On a ramé à contre-courant pendant 10 ans », résume Olivier Toma, président du Comité pour le Développement Durable en Santé (C2DS), une association de professionnels hospitaliers qui plaide pour une meilleure prise en compte des considérations liées à l’environnement dans le secteur du soin.

Le sujet devrait pourtant s’imposer de lui-même, tant les manières dont l’hôpital peut nuire à son environnement sont nombreuses : surconsommation d’énergie et d’eau, abondantes émissions de gaz à effet de serre, production de déchets pléthorique… D’après les chiffres du C2DS, les établissements sanitaires français émettent par exemple en moyenne 87,5 kg d’équivalent CO2 par journée d’hospitalisation. Un chiffre à comparer avec les 20 kg par habitant émis quotidiennement par la France.

Malheureusement, face à ce constat, les établissements disposent de marges de manœuvre limitées. « L’hôpital, c’est 24h/24, 7j/7, avec des exigences de sécurité non-négligeables, des appareils qui fonctionnent tout le temps », explique Florence Martel, chargée des questions sanitaires et du développement durable à la Fédération Hospitalière de France (FHF) : « Il y a certaines choses qu’on ne peut pas faire du tout. »

Diagnostics et solutions intelligentes

Malgré ces difficultés, les choses commencent à bouger à l’hôpital, notamment grâce à l’aiguillon financier : les efforts environnementaux sont potentiellement pourvoyeurs d’économies. Comme l’explique Florence Martel, « en période de restriction budgétaire, les effectifs ne peuvent pas être la seule variable d’ajustement ».

Mais alors, par où commencer ? La première étape est plutôt simple : faire un état des lieux. Dans beaucoup de cas, ce premier pas n’a pourtant pas encore été franchi. À tel point qu’il est difficile de dresser un panorama de l’impact environnemental du secteur hospitalier en France. « Il n’existe pas de comptabilisation consolidée au plan national par le ministère », reconnaît Laurent Setton, haut fonctionnaire au développement durable pour l’ensemble des ministères sociaux.

Sur le terrain pourtant, beaucoup d’établissements se lancent dans des diagnostics énergétiques, des bilans carbone, ou encore dans l’installation de logiciels de mesure de la consommation en temps réel… Autant d’outils qui permettent de savoir où l’on en est, et qui ne coûtent pas grand-chose : d’après Olivier Toma il faut compter environ 1 euro par m² pour un bilan carbone, et environ autant pour un audit énergétique… Des montants qui peuvent varier en fonction de la nature des bâtiments, mais qui sont rapidement amortis.

Car une fois l’état des lieux établi, les solutions à la disposition des établissements ne manquent pas. Sur un sujet aussi simple en apparence que celui de l’éclairage, on peut envisager l’équipement en LED, par exemple, mais aussi des solutions intelligentes, avec des radars permettant de capter la présence humaine, et d’éclairer ou non les bâtiments en fonction de l’activité. Même chose pour la ventilation, qui peut ne pas être simplement en mode « on/off » : elle peut être automatiquement coupée en cas d’ouverture des fenêtres, ou s’adapter en fonction du niveau de concentration de composés organiques volatiles et de CO2 dans les pièces.

Problèmes de trésorerie

Bien que ces investissements génèrent des économies, le principal frein à leur développement reste d’ordre financier. Les établissements n’ont souvent pas la trésorerie nécessaire pour mener à bien les travaux, qui entrent en concurrence avec de nombreux autres besoins. Les aides disponibles sont encore très parcellaires. Florence Martel, de la FHF, regrette que la question ne bénéficie pas d’un plan d’ensemble, capable d’avoir un impact tel que celui que le « plan hôpital numérique » a eu sur la question informatique, par exemple.

Même au niveau ministériel, Laurent Setton le reconnaît : « Ce n’est pas tant un problème de dynamisme que de moyens. » Mais peut-être l’approche de la conférence de Paris sur le réchauffement climatique, qui aura lieu à l’automne prochain, saura-t-elle libérer les bonnes volontés ? L’effort doit en tout cas être collectif, explique Olivier Toma : « La particularité du développement durable, c’est que seul, on ne peut rien faire. »

Adrien Renaud

Source : Le Quotidien du Médecin: 9415