La chronique d’une catastrophe annoncée

Publié le 15/12/2014
Article réservé aux abonnés

Les urgentistes, pour certaines raisons fixées par Bruxelles sur le temps de travail (48 heures) et les quatre syndicats de médecins ont décidé une grève dure à partir du 22 décembre 2014.

C’est une première et les conséquences pour les patients risquent d’être désastreuses.

Il existe quelques casus belli que le corps médical n’est pas prêt à accepter et depuis la signature de l’avenant 8 de la Convention médicale de novembre-décembre 2012, l’exaspération des médecins est croissante.

Pour tout arranger, le recours devant le Conseil d’État et ses conclusions sont tellement opaques que même la Sécu ne s’y retrouve plus. D’ailleurs, interrogée à de nombreuses reprises au plus haut sommet de la caisse, son silence est assourdissant.

l’électroencéphlogramme plat… de la caisse

Le fameux parcours de soins, prôné à grand renfort de publicité payée par le contribuable et/ou l’assuré social, est un échec retentissant pour ses géniteurs, tant médecins que politiques (présidence de CNAVPL), et même s’il avait été un succès, le Conseil d’État l’a condamné…

Depuis des années, comme les pigeons qui ont obtenu gain de cause, certaines spécialités sont rackettées par la Sécu sur ordre ministériel pour de misérables économies de 100 à 200 millions d’euros qui ne solutionnent en rien le déficit abyssal de cette malheureuse caisse qui a depuis longtemps un électroencéphlogramme plat.

Ces spécialités immolées sur la place publique peut-être pour l’exemple sont la radiologie, les laboratoires d’analyses médicales et la cardiologie.

La lente usure avec de nouvelles normes très contraignantes et « bouffeuses » de temps et de sous – avec une baisse certes peu importante mais constante de 3 à 5 % de la valeur des lettres clefs depuis quelques années – rend l’exercice de plus en plus difficile et ne suscite plus de vocations ; selon différentes sources, le nombre de radiologues qu’il manque sur le territoire français oscille entre 600 et 800, en sachant que bon nombre de professionnels vont partir en retraite dans les deux-trois ans. On ne parle même pas des laboratoires d’analyses médicales condamnés à fermer lorsqu’un seul médecin occupe la place.

Le fisc, comme « le cocu magnifique » de Fernand Crommelynck, est le dindon de cette triste farce…

Cela prend à contre-pied toutes les idées reçues, généreusement véhiculées par les associations de malades et les médias qui considèrent que la profession est très bien, voire trop bien payée, ce qui n’a pas suscité de vocation mais créé les déserts médicaux.

Le système de soins est basé sur le médecin référent, souvent un généraliste, spécialité qui n’attire plus depuis plus de quinze ans – il est vrai qu’être corvéable et malléable à merci ; à 23 euros la consultation, pour avoir un salaire correct, il faut souvent faire de « l’abattage ».

La féminisation extrêmement importante du corps médical, plus de 70 %, et le montant exorbitant des charges sociales individuelles (entre 40 000 et 80 000 euros par an) rendent attractif le salariat, avec ses 35 heures et ses 9 semaines de congés payés ou les remplacements. Ces derniers deviennent vite une très lourde contrainte compte tenu de cotisation sociales forfaitaires particulièrement lourdes et poussent encore vers le salariat.

La politique de disparition de nombreuses structures hospitalières de proximité, associée à une démographie locale clairsemée, rend encore plus aléatoire l’installation dans des zones rurales et ce malaise commence à atteindre les grandes villes où le généraliste et/ou le spécialiste qui part en retraite n’est pas remplacé.

Cela explique pour une part l’extension des déserts médicaux et pour une autre part la saturation des structures de soins en dehors des heures ouvrées.

Napoléon et Gribouille

Si l’on dépense entre 600 et 800 millions d’euros par an pour former des généralistes et des spécialistes, comment expliquer qu’ils ne veulent plus s’installer ; et que l’on doive importer des médecins étrangers. Politique de Gribouille ?

La critique permanente des hommes politiques, des associations de malades et de l’IGAS, voire d’autres, va avoir comme conséquence ce que Napoléon a pu constater pendant la campagne de Russie : une politique de la terre brûlée.

Il va bientôt être amusant de voir ce que ce bras de fer unique dans l’histoire va pouvoir donner avec des possibilités financières extrêmement réduites pour le pouvoir politique particulièrement décrédibilisé et probablement d’une compétence discutable.

* Généraliste parisien et patron de l’AFIRM (Alliance pour le financement de la retraite des médecins)

Par le Dr Alain Choux*

Source : Le Quotidien du Médecin: 9374