Après les ordonnances, d'autres conquêtes

La marche s'accélère

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Publié le 07/09/2017
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La marche s'accélère

La marche s'accélère
Crédit photo : AFP

Le triomphalisme étant exclu, pour diverses raisons liées à la susceptibilité syndicale, le président et son Premier ministre se sont bien gardés d'exprimer leur satisfaction. Négatifs ou positifs, les commentaires ont rarement mis l'accent sur une réalité : il est bien peu probable que la réforme déclenche un soulèvement national et le pouvoir se dépêchera de tourner la page. D'autant que, si l'on sort des rhétoriques militantes, quelques observateurs de la scène sociale, notamment Raymond Soubie, l'un de nos meilleurs experts en la matière, soulignent la qualité du dialogue lancé par la ministre des Affaires sociales, Muriel Pénicaud, et la vigueur d'un texte, dosé au nanogramme pour empêcher les claquements de porte et encourager l'approbation silencieuse.

Ce succès, à la fois moral et politique, s'est produit dans un contexte troublant pour MM. Macron et Philippe : couacs gouvernementaux à répétition, chute de leur popularité, reproches, blâmes, ultimatums entendus urbi et orbi dans un climat de fin d'été qui sentait l'odeur de roussi venue des incendies de forêt dans le midi. Dans cette cacophonie, on trouvait quelques colères sincères, un phénomène grégaire fait alternativement de louanges excessives et de critiques brutales, le systématisme d'une opposition bien organisée, celle des Insoumis. L'énergie cinétique de la contestation est si forte que, au moment de juger l'impact des ordonnances, l'humeur de la presse est restée détestable, ce qui a quelque peu obscurci son jugement : par peur de passer pour des thuriféraires, la pire des injures faites à leur professionnalisme, beaucoup de mes confrères n'ont pas perçu le phénomène presque historique qui se déroulait sous leurs yeux : pour la première fois, une réforme sociale pourrait passer sans faire de casse et réconcilier l'opinion avec cette réforme et avec celles qu'il faut encore adopter.

Cas d'école

Dans un certain nombre de cas, on a vu aussi que tout n'est pas catastrophique. Pour le nouveau ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, la rentrée scolaire aura été finalement plutôt normale et le dédoublement des classes pour mieux aider les enfants en retard à acquérir les instruments de la connaissance est salué par les enseignants. C'est sur la fiscalité que l'agacement, et même l'exaspération, se généralise. Mais prenons le cas des emplois aidés, dont Emmanuel Macron veut réduire le nombre. Ces contrats ont toujours souffert de leur tare originelle : ils sont financés par l'Etat. On les a méprisés, voilà maintenant qu'ils deviennent indispensables, justement parce que le gouvernement souhaite s'en passer. Comment trouver des moniteurs pour ces heures de détente généreusement accordées par François Hollande aux enfants ? M. Blanquer permet aux communes de choisir la semaine de quatre jours. Résultat : les maires qui veulent maintenir les activités para-scolaires sont vent debout contre la suppression (limitée) des contrats aidés.

Le gouvernement d'Edouard Philippe doit trouver vingt milliards pour boucler le budget de l'année prochaine. Il se résignerait à vendre pour dix milliards de participations de l'Etat dans un certain nombre de grandes entreprises. Soit dix pour cent de ce qu'il y possède. Est-ce judicieux ? Non, dira la vox populi. Il vaut mieux, pourtant, que le budget tende à l'équilibre, et prévoir un déficit inférieur à 3 %, qu'ouvrir un nouveau round de discussions hypocrites avec la commission de Bruxelles. Je peux vous dire pourquoi le budget sera plus proche de l'équilibre qu'il ne l'a été en quarante ans : parce que le succès appelle le succès et que celui qui a remporté une première victoire ne s'en contente pas. Il poursuit ses conquêtes.

 

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9599