Le Brexit aurait fait perdre 4 000 nouveaux médecins spécialistes au Royaume-Uni

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Publié le 30/12/2022

Crédit photo : Voisin / Phanie

C'est un effet Brexit inattendu : l'aggravation de la pénurie de blouses blanches au Royaume-Uni. Ainsi, le nombre de nouveaux médecins spécialistes qualifiés provenant de l’Union européenne et de l’Association européenne de libre-échange (AELE) s’est très fortement tari outre-Manche depuis le Brexit. Selon le think tank spécialiste des questions de santé Nuffield Trust, les inscriptions actuelles (37 000 en 2021) sont inférieures de plus de 4 000 par rapport aux projections faites sur la base de 2015 (qui faisaient état de 41 000 nouveaux médecins). 

Le think tank reconnaît les limites de sa méthode de calcul. Mais selon les auteurs Martha McCarey et Mark Dayan, le résultat marque clairement cette tendance dans un contexte déjà de pénurie au sein du NHS, le système public national de santé qui faisait tant la fierté des Britanniques et qui révèle aujourd'hui ses fragilités. À ce jour déjà, 11 000 postes médicaux sont vacants dans les seuls hôpitaux anglais. 

Les chercheurs du Nuffield Trust se sont concentrés sur la psychiatrie, la chirurgie cardio-thoracique, l’anesthésie et la pédiatrie, quatre spécialités qui souffrent de forte pénurie et qui reposent déjà beaucoup sur le personnel en provenance de l'UE. 

Des inscriptions qui s'évanouissent

Par exemple, si le nombre de nouveaux anesthésistes avait continué d'augmenter au même rythme qu'avant le Brexit, il y aurait eu environ 400 médecins de plus dans cette spécialité rien qu'en 2021, selon l’étude. Un écart significatif d’inscriptions s'observe aussi à hauteur de 300 spécialistes pédiatriques et de 165 psychiatres sur tout le pays.

Dans le cas de la chirurgie cardio-thoracique, l’augmentation des effectifs de spécialistes européens n’aurait de toute façon pas pu se poursuivre au même rythme (qu'avant le Brexit) car ce nombre aurait atteint un niveau supérieur aux besoins réels (700 nouveaux spécialistes). Cependant, l’étude précise qu’une croissance régulière aurait été bienvenue en raison des difficultés pour recruter au niveau national – les chirurgiens cardio-thoraciques européens étant plus nombreux que les spécialistes formés localement depuis 2014.

Le Brexit n’est certes pas la seule raison qui explique ce retournement mais il reste la cause la plus évidente. « Du point de vue des médecins de l'UE et de l'AELE, les changements à l'échelle du Royaume-Uni dans les règles d'immigration annoncés en 2020 ont entraîné une augmentation des coûts périodiques et de la bureaucratie pour les visas », explique l’étude. 

Souplesse

De fait, pendant toute la campagne du référendum et après celle-ci jusqu'en 2018, les débats sur le Brexit ont créé un climat d'incertitude sur le droit des médecins à pouvoir rester travailler ou non au Royaume-Uni. « Nous nous retrouvons toujours en difficulté pour recruter et retenir nos collègues européens et internationaux, confirme la Dr Kitty Mohan, présidente du comité international de la BMA (British Medical Association). Le gouvernement doit s'assurer que le système d'immigration offre la souplesse nécessaire pour faire face aux pénuries de personnel. » 

Kitty Mohan évoque l'urgence de simplifier les frais de visa et la bureaucratie associés au déménagement au Royaume-Uni. Le temps presse. « Le gouvernement doit maintenant s'engager pleinement en faveur de la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, insiste-t-elle, afin de donner aux médecins de l’UE l'assurance que leurs compétences et leurs services seront valorisés dans le NHS ».

De notre correspondante Chloé Goudenhooft

Source : lequotidiendumedecin.fr