Après le décès d’un nouveau-né sur l’autoroute

Le débat proximité/sécurité relancé

Publié le 24/10/2012
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LE DRAME de Figeac (lire ci-dessous), qui a eu un écho médiatique considérable, fait réagir bien au-delà du Lot. Obstétricien libéral à Quimper, le Dr Jacques Rivoallan considère que la France a poussé trop loin les restructurations. « J’ai vu fermer cinq maternités depuis 1984 dans le Sud Finistère. La maternité privée où je travaille fermera fin décembre. Il n’en restera plus qu’une, à l’hôpital, qui devra absorber 800 accouchements de plus ». Cette nouvelle fermeture est liée à un problème de démographie médicale. À la difficulté de trouver des pédiatres pour les astreintes de néonatalogie s’est ajouté le départ d’obstétriciens. Ceux qui restent - ils sont deux à la clinique de Quimper - vivent mal l’arrêt de leur activité : « On nous contraint d’arrêter l’obstétrique alors que notre maternité marche bien, et que nos indicateurs de morbidité et de mortalité sons bons. À 62 ans, je vais devenir gynécologue de ville, expose le Dr Rivoallan. On laisse partir des médecins prêts à continuer, pour recruter des médecins à diplôme étranger sans garantie sur leur formation réelle ». L’hyperconcentration des naissances, il s’en méfie : « Ma maternité est aussi sécurisée qu’une structure à 3 000 accouchements où les responsabilités sont diluées ».

Difficultés de recrutement.

Le président du SYNGOF (Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France) tient un discours assez proche. « Le drame de Figeac doit être l’occasion de se poser la question de la désertification médicale, affirme le Dr Jean Marty. Les CHU siphonnent tous les moyens depuis la création des niveaux (maternité 1, 2, ou 3). Discréditées, les petites structures n’arrivent plus à recruter, ce qui entraîne l’apparition de déserts de compétences ».

Béatrice Le Nir, coordinatrice du réseau de périnatalité en Midi-Pyrénées, s’inquiète surtout du renouvellement des générations. « Bon nombre d’obstétriciens dans la région sont proches de la retraite. Que se passera-t-il quand ils partiront ? », s’interroge-t-elle. L’accent est mis sur la formation pour pallier toute éventualité en cas de manque de médecin : à Saint-Affrique, les sages-femmes suivent un programme de simulation de réanimation des nouveaux-nés.

Quel effet des restructurations ?

Après le drame de Figeac, élus locaux et associations de patients alertent le gouvernement ; certains réclament un moratoire sur les fermetures de structures de proximité. Deux chirurgiens de la Coordination médicale hospitalière (les Drs Paquet et Lenot) appellent à manier ce débat avec précaution. Ils affirment que bon nombre de fermetures n’ont pas été dictées par un souci économique mais, précisément, parce que les structures étaient « insuffisamment performantes et organisées ». La France a su faire reculer le taux de mortalité infantile en dépit des restructurations, ajoutent-ils.

L’IGAS, dans un rapport sur les fusions hospitalières publié avant l’été, se montre plus critique. L’arrivée des ARH a « dopé » les fermetures de maternités (126 fermetures entre 1995 et 2005). La mortalité néonatale s’est améliorée « sans qu’on puisse affirmer ni infirmer s’il s’agit là d’un effet direct de la politique poursuivie », écrivent les inspecteurs des affaires sociales. Les hémorragies du post-partum sont deux fois plus nombreuses en France qu’au Royaume-Uni, ajoutent-ils.

L’IGAS pointe certaines incohérences : plus de 80 % des accouchements se déroulent sans complication. Pourtant, « ce sont avant tout les maternités de type 1 qui disparaissent ». Autrement dit, les maternités de proximité. Pousser les femmes à accoucher dans des maternités hautement techniques (les établissements de niveau 3 réalisent plus de 70 % d’accouchements sans complication) a ses limites : « Ce processus renchérit le coût de l’accouchement sans réel intérêt sanitaire », met en garde l’IGAS.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9180