Vente de médicaments sur Internet

Le ministère de la Santé engage la concertation

Publié le 12/04/2010
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APRÈS LA VENTE en libre accès dans les pharmacies de médicaments à prescription facultative, la vente sur Internet ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais le ministère de la Santé a engagé mercredi dernier la concertation sur ce sujet en réunissant autour d’une même table la DGCCRF (Direction générale du commerce, de la concurrence et de la répression des fraudes, un des grands services du ministère de l’Économie et des Finances), les syndicats de pharmaciens d’officine, l’Ordre des pharmaciens, l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) et le LEEM (Les industries du Médicament). But de l’opération : étudier la faisabilité d’un encadrement de ce type de pratique, afin de mettre la France en accord avec une jurisprudence européenne qui autorise la vente sur Internet de médicaments sans ordonnance, indique le ministère de la Santé qui précise que l’objectif est aussi de « mettre en place des règles pour sécuriser la vente de médicaments sur internet ». À ce stade, rien n’a été décidé, sinon de mettre en place un groupe de travail qui se réunira à partir du 11 juin prochain. Ne seraient évidemment concernées que les 200 à 300 spécialités disponibles sans ordonnance. Et les pharmacies virtuelles que constitueraient ces sites devraient être adossées à des pharmacies bien réelles.

Même en l’état, l’idée fait grincer des dents les officinaux qui craignent que ce dispositif ne favorise la contrefaçon. Jean-Pierre Lamothe, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), aujoute qu’au-delà de ce risque pour lui bien réel, « ce projet est une ineptie totale ». Pourquoi ? Parce qu’il s’articule mal avec la « politique de santé publique de proximité » que les autorités cherchent à promouvoir. « On a mis en place le parcours de soins pour éviter le nomadisme médical, la loi HPST [Hôpital, patiens, santé et territoires] a confié de nouvelles missions de santé publiques au pharmacien, continue Jean-Pierre Lamothe, et maintenant on veut permettre à n’importe qui d’acheter des médicaments par correspondance, c’est totalement incohérent. »

Cheval de Troie.

Quant à la crainte que ce nouveau vecteur de vente ne puisse servir un jour de cheval de Troie à des grandes marques de distribution qui manifestent déjà leur intérêt pour le marché de l’automédication, Jean-Pierre Lamothe la juge bien réelle : « Si les médicaments à prescription facultative deviennent de facto des sous-médicaments vendus à l’aveugle sur Internet, ces distributeurs auront beau jeu de revendiquer leur part du marché. »

Le vice-président de la FSPF le reconnaît toutefois, « il y a un vide juridique », et « la jurisprudence européenne peut nous mettre en difficulté ». Mais c’est pour ajouter aussitôt que « la loi pourrait fort bien se contenter de dire que la mise en place en France de sites Internet dédiés à la vente de médicaments est interdite ». D’autant qu’au-delà des risques pour la santé publique, Jean-Pierre Lamothe avance un autre écueil : « La loi française prévoit un délai de rétractation pour les produits achetés par correspondance. Les sites de vente de médicaments devront-ils accepter les retours ? ».

Du côté médecins, le projet ne fait pas non plus recette. Le Dr Michel Combier, président de l’UNOF (Union nationale des omnipraticiens français), estime que « quand on a la chance d’avoir des pharmaciens qualifiés, avec un très bon maillage territorial, il n’est pas normal de vouloir vendre des médicaments sur Internet, sans aucun conseil officinal ». Même tonalité à MG-France dont le président, le Dr Claude Leicher se déclare « très réservé, car cela signifierait un changement radical de système de distribution des médicaments ». Claude Leicher rappelle en outre que l’automédication provoque chaque année bon nombre d’accidents iatrogènes aux États-Unis, « il serait donc très risqué de ne pouvoir accéder aux conseils d’un professionnel de santé ».

 HENRI DE SAINT ROMAN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8748