Pour sauver la réforme du développement professionnel continu

Le ministère revoit complètement sa copie

Publié le 25/05/2010
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Crédit photo : S TOUBON

LA FRONDE MENÉE par les médecins libéraux contre le projet de développement professionnel continu (DPC) a porté ses fruits. Le ministère de la Santé est aujourd’hui disposé à revoir les modalités de la réforme du dispositif qui doit remplacer en 2012 la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP). Les syndicats de médecins libéraux, le milieu associatif, les Conseils nationaux de formation médicale continue (CNFMC) et l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS) s’étaient violemment élevés ces dernières semaines contre l’architecture envisagée par le gouvernement. Celle-ci excluait les syndicats de professionnels de l’Organisme gestionnaire du DPC, principale instance décisionnaire paritaire entre l’assurance-maladie et l’État (« le Quotidien » des 29 avril et 4 mai). Les syndicats reprochaient surtout au gouvernement de les écarter du financement du dispositif, eux qui géraient jusqu’à présent leur formation professionnelle avec l’assurance-maladie.

Une note interne du ministère de la Santé dont « le Quotidien » a pris connaissance reconnaît que le dispositif initial présentait « des lacunes ».« L’architecture proposée ne répond qu’imparfaitement à la volonté d’associer pleinement les représentants professionnels à la gestion du DPC, souligne ce document. « Le choix de ne pas les associer directement à la gestion financière du DPC n’avait pour seule justification que de sécuriser juridiquement la gestion des appels d’offres par l’OGDPC, pouvoir adjudicateur soumis au Code des marchés publics. Il fallait interdire à des organismes intervenant directement ou indirectement à ce marché de participer à la décision d’attribution des financements. »

Selon le nouveau schéma ministériel, la gestion de l’appel d’offres disparaîtrait purement et simplement. Il serait remplacé par un dispositif de « chèque DPC ». Plus lisible, ce système mettrait directement aux prises le médecin dans la gestion du DPC « sans risque de conflit d’intérêt ». Chaque professionnel de santé libéral se verrait attribuer un budget annuel pour participer à un programme de DPC de son choix auprès d’une association évaluée favorablement par la Commission scientifique indépendante (CSI). Les chèques permettraient de défrayer les organismes de DPC ayant assuré leur programme. Le ministère estime que ce dispositif est « compatible » avec la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), qui confie à l’OGDPC la mission de financement des programmes prioritaires.

La CSI resterait pour sa part chargée, à travers les collèges professionnels, de la définition des thèmes prioritaires et de l’évaluation des organismes de DPC. Elle serait garante « de la qualité et de la pertinence » du DPC.

Coup de poker.

Alors que juillet approche à grands pas, qui doit marquer la fin de la parution des décrets d’application de la loi HPST, la proposition du ministère de la Santé ressemble à un coup de poker pour faire aboutir une réforme mal engagée. Les professionnels de santé et en particulier les médecins, qui sont ainsi associés in extremis au pilotage du dispositif avec l’Assurance-maladie et l’État, pourront difficilement contester le nouveau schéma imaginé par les collaborateurs de Roselyne Bachelot. La manœuvre est habile. Dans ce scénario, c’est le médecin qui disposera selon son gré du financement pour mener son DPC. Il sera difficile aux syndicats de s’opposer à cette évolution. D’autant que le gouvernement a l’intention de rapidement communiquer aux médecins libéraux les modalités du nouveau dispositif dans un courrier personnalisé.

Si cette architecture venait à voir le jour, elle ne résoudrait pas tous les problèmes pour autant. Il reste en effet à résoudre le problème du financement du dispositif. De quel budget disposera l’OGDPC ? Quel sera le montant du chèque adressé à tous les médecins libéraux ? Sera-t-il le même selon les spécialités ? Les organismes auront-ils le droit de fixer le tarif des actions de DPC ? Autant de questions aujourd’hui sans réponse.

Lors de la journée organisée par la Fédération des spécialités médicales (FSM), Roselyne Bachelot a

rappelé que tous les médecins devraient participer à un programme annuel de DPC. Pour mener à bien sa réforme, le ministère de la Santé est prêt à donner des chèques aux praticiens libéraux. Encore faudra-t-il que ce ne soient pas des chèques en blanc.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8776