La difficile reconnaissance mutuelle des diplômes de médecine

Le parcours du combattant des praticiens français pour exercer au Québec

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Publié le 28/04/2016
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sarkoharper

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Crédit photo : AFP

L'entente conclue fin 2008 entre la France et le Québec pour la reconnaissance mutuelle des qualifications de 81 professions ressemble à un contrat « Canada dry » : ça ressemble à un bon accord mais ce n'est pas un bon accord, si l'on en croit l'Ordre des médecins. 

Ce partenariat conclu sous l'égide de Nicolas Sarkozy devait notamment faciliter la délivrance entre les deux pays des autorisations d'exercice individuelles aux médecins « après avis des Ordres intéressés ».

Le bilan se révèle très mitigé malgré les engagements pris par les deux pays. « Seulement 152 médecins français ont été autorisés à exercer au Québec sur 342 demandes entre 2010 et 2015 », précise le Dr Jackie Ahr, secrétaire général adjoint de l'Ordre national, qui avait participé à la signature de cet accord entre le ministère de la Santé français, l'Ordre et son homologue québécois, le Collège des médecins. Dans le même temps, 87 praticiens québécois ont obtenu un sésame pour la France sans difficulté particulière, ajoute le Dr Ahr.

Maudits Français

 

Le Québec, qui rencontrait comme la France des difficultés démographiques au moment de la conclusion de l'accord, forme deux fois plus de médecins depuis dix ans (ils sont près de 19 000 aujourd'hui). Du coup, moins d'autorisations d'exercice ont été accordées dans la province aux praticiens étrangers ces derniers mois (seulement 18 aux médecins français en 2015). Dans ce contexte, près de 200 praticiens français ont demandé à exercer au Québec depuis 2009 sans obtenir satisfaction. 

L'accord est « déséquilibré », s'agace l'Ordre. La reconnaissance du diplôme de médecine québécois est automatique en France alors que les candidats tricolores se voient majoritairement imposer un stage d'aptitude de 3 mois. « Il y a de moins en moins de terrains de stage, déplore le Dr Ahr. Un confrère attend depuis 18 mois pour passer cette étape ». 

Les médecins ayant  accompli ce stage doivent ensuite exercer en milieu hospitalier pendant 5 ans sous supervision. Le Dr Jackie Ahr regrette que les compétences des praticiens hexagonaux soient ainsi remises en cause par des « Québécois suspicieux ». « Ils nous considèrent toujours un peu comme de maudits Français », ironise-t-il.  

Selon les chiffres du Collège des médecins du Québec dévoilés par Radio-Canada, 72 candidats français attendent un stage ou sont en train de le réaliser, 60 dossiers incomplets ont été déposés tandis qu'une quarantaine de praticiens ont interrompu leurs démarches. Une vingtaine d'autres ont vu leur dossier refusé.

Le ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette, estime pour sa part que l'accord n'est pas rompu. Selon des propos repris par Radio-Canada, les règles de reconnaissance mutuelle des diplômes « signées et acceptées par les deux parties sont toujours suivies ».

Christophe Gattuso

Source : Le Quotidien du médecin: 9492