Entretien

Le Pr Israël Nisand sur l’IVG : "Nous ne voulons plus d’un monde considérant les femmes irresponsables"

Publié le 08/06/2015
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L’Assemblée nationale a confirmé le 8 avril en première lecture la suppression du délai de réflexion obligatoire de sept jours entre la première consultation et la seconde pour les femmes désirant recourir à une Interruption volontaire de grossesse.

LE QUOTIDIEN : Sur quels arguments a-t-on voulu supprimer ce délai ?

PR ISRAËL NISAND. L’intention des professionnels n’est pas de faire disparaître le délai mais de le faire passer de sa situation de délai obligatoire d’une semaine à un délai librement consenti entre la femme et le praticien. Certaines femmes n’ont pas besoin de cette réflexion de sept jours et pourront, quand la loi sera effective, recourir à l’IVG rapidement. D’autres, pourront réfléchir plus longtemps.

On est passé de la situation d’un délai de sept jours obligatoires de réflexion pour toutes à un délai établi entre le praticien et la patiente, délai systématiquement proposé mais jamais imposé.

Les professionnels de l’IVG ont tout à fait conscience que le délai de 7 jours est une aberration.

Pourquoi ce délai avait-il été établi en 1975 ?

Une loi est toujours le résultat d’un compromis. En 1975, Simone Veil, interpellée par des associations conservatrices et misogynes, a dû faire certaines concessions pour que la loi soit acceptée. Parmi ces concessions, il y avait également l’entretien social obligatoire qui a disparu en 2001 ou, pour être exact, qui est passé de systématiquement imposé à systématiquement proposé. Car, de fait, cet entretien représentait dans certaines villes un moyen d’augmenter la difficulté du parcours des femmes.

Certains pensent que le délai obligatoire de 7 jours avait un effet culpabilisant. Qu’en pensez-vous ?

Non, on ne peut pas dire cela. Il y a des femmes qui ne sont pas sûres de leur décision ; elles sont dans l’ambiguïté. Il faut les entourer et les aider à formuler leur souhait correctement. Ce qui peut prendre plus d’une semaine. En revanche une femme porteuse d’un stérilet et qui se retrouve enceinte ne comprend vraiment pas le délai imposé d’une semaine. Quoique rien ne soit aussi simple ! Elle peut quand même demander un temps de réflexion.

Vous pensez que l’obligation d’un délai a quelque chose d’humiliant ?

C’est un peu infamant d’imposer un délai à une femme qui n’en demande pas. C’est misogyne ! Nous ne voulons plus d’un monde dans lequel les femmes sont considérées comme des irresponsables. En revanche, une femme peut hésiter et il faut lui laisser un délai de plus d’une semaine si elle en ressent le besoin. La suppression de l’obligation va permettre de sortir du formalisme de la loi dans l’intérêt des femmes.

Entretien avec le Pr Israël Nisand, service de gynécologie et d’obstétrique, hôpital Hautepierre, Strasbourg
Brigitte Martin

Source : Bilan spécialiste