Le Pr Philippe Juvin hérite de la Santé dans le « contre-gouvernement » LR d'Éric Ciotti

Le président des Républicains, Éric Ciotti, a dévoilé dans le « Journal du Dimanche » un « contre-gouvernement » alternatif à Emmanuel Macron pour défendre les idées du parti et bâtir un projet. « Je souhaite que les travaux programmatiques s’organisent autour de celui qui aura été chargé de la thématique », a expliqué le député des Alpes-Maritimes.

Sous la houlette de la secrétaire générale de LR Annie Genevard, cette équipe d'une trentaine de secrétaires nationaux s'inscrit dans l'effort de reconstruction de LR, à la fois affaibli par ses revers électoraux et devenu pivot grâce à ses quelque 60 députés pouvant apporter l'appoint à la majorité.

Véronique Louwagie au Budget, Barnier aux Affaires étrangères

Deux mois après la fin du psychodrame des retraites, ce « cabinet fantôme » mêle toutes les tendances de LR. Mais le chef de file des frondeurs Aurélien Pradié, limogé de son poste de numéro 2, n'y figure pas.

Le pôle régalien compte le vice-président de la région Île-de-France Frédéric Péchenard (Intérieur), l'eurodéputée Nadine Morano (Immigration) et le sénateur François-Noël Buffet (Justice). Les questions relatives aux Affaires étrangères sont suivies par Michel Barnier en tant que conseiller spécial du Président.

Au pôle économique, on trouve l'expert Christian Saint-Etienne (Économie et Réindustrialisation), ainsi que les députées Véronique Louwagie (Comptes publics), Valérie Bazin-Malgras (Entreprises) et Isabelle Périgault (Formation). 

Candidat malheureux à la primaire de la droite

Dans ce contre-cabinet quasi-paritaire (15 femmes, 17 hommes), le député Philippe Juvin est donc chargé de la Santé et le sénateur Max Brisson de l'Éducation.

La « nomination » du Pr Juvin à la Santé est tout sauf une surprise puisque le chef des urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) est, au sein de la droite républicaine, un des meilleurs spécialistes du secteur depuis des années (il œuvrait déjà dans l'ombre de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007). Très médiatisé pendant la pandémie, candidat malheureux à la primaire LR pour la présidentielle 2022, le Pr Juvin avait mis la santé au cœur de son programme. Dans nos colonnes, celui qui se disait candidat des services publics proposait un new deal avec la médecine libérale et promettait de « faire disparaître » les déserts médicaux. Puis Valérie Pécresse, candidate des Républicains pour l'Élysée, lui avait donné carte blanche, dans les dernières semaines de campagne, pour constituer une équipe et auditionner un grand nombre d'acteurs du secteur. 

Réélu ensuite député de la 3^e circonscription des Hauts-de-Seine, le Pr Juvin s'est illustré lors de l'examen du dernier budget de la Sécu. Contre l'avis du gouvernement, l'ancien maire de La Garenne-Colombes avait convaincu ses collègues de supprimer les cotisations retraite dues à la Carmf par les praticiens en situation de cumul emploi retraite, une revendication ancienne de la profession.   

La semaine dernière encore, lors d'un débat sur l'hôpital à l'Assemblée, il réclamait que l’on fasse confiance aux soignants, comme pendant la pandémie. « Arrêtez de nous engluer dans des tâches administratives, donnez de l’autonomie, y compris financière, aux services », plaidait le Pr Juvin. « Cessez de faire de grandes concertations, dont la première utilité est de gagner du temps, agissez et obtenez des résultats », a-t-il lancé.

Tradition anglo-saxonne

Le shadow cabinet est une tradition institutionnalisée dans les pays anglo-saxons, où chaque responsable d'un dossier est un futur ministre en puissance. En France, la désignation d'un tel cabinet par les partis d'opposition est peu fréquente, mais pas inédite.

Alors président de LR, Laurent Wauquiez s'était doté en novembre 2018 d'un cabinet fantôme, où Éric Ciotti était chargé de l'Intérieur. La présidente du RPR (ancêtre de LR) Michèle Alliot-Marie avait elle aussi nommé en 2000 un cabinet alternatif au gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin.