L'État met Carmat sous perf' sur fond de rumeurs de délit d'initié

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Publié le 01/03/2016
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Carmat

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Crédit photo : DR

Comment financer une entreprise qui n’a pas de chiffre d’affaires, comme le reconnaît son directeur général, Marcello Conviti, dans l’entretien qu’il accorde au « Quotidien » ; dont l’action, à près de 200 euros il y a cinq ans, s’apprécie aujourd’hui autour de 30 euros ; et qui doit engager un onéreux programme industriel et clinique en vue du marquage CE du cœur artificiel, alors que sa trésorerie est annoncée à 3 millions d’euros ?

Augmentation de capital

La réponse prend la forme d’une augmentation de capital de 50 millions d’euros, souscrite par un pool d’investisseurs stratégiques : Air Liquide (2 %), Truffle (14 %), Matra défense (22 %) et surtout BPIfrance et PIA (programme d’investissement d’avenir), autrement dit l’État, qui met 34 % au pot. « Ce sont nos impôts qui vont financer », commente un petit porteur*.

Des petits porteurs qui réagissent diversement sur le forum Carmat du site boursier boursorama.com. « Vol éhonté, détroussage machiavélique », hurlent ceux qui voient venir la dilution des dividendes futurs et qui demandent : « Elle est pas belle la vie pour ceux qui se régalent sur (notre) dos ? » Et ceux qui saluent « une opération plutôt sympa qui va apporter deux ans de trésorerie », un plan qui permet « une gentille remontée en bourse », alors que la cotation avait été suspendue et qu’elle reprend avec 10 à 15 % de hausse.

« Je comprends les inquiétudes des petits porteurs, confie Marcello Conviti, ils sont 17 000 à détenir 43,9 % du capital et présentent des profils divers autour d’une action qui reste très volatile. Ni moi, ni personne ne peut aujourd’hui hasarder un pronostic sur ce que sera le cours demain. Mais ce que je peux vous garantir avec beaucoup de confiance, c’est que, que si la phase de développement technique et clinique marche, la partie financière suivra. »

Des fluctuations boursières suivies de près

Cette volatilité du cours de bourse suscite aujourd’hui des rumeurs, alors que la publication des résultats de Carmat, annoncée pour mercredi dernier, a été ajournée. « Elle est remise à l’Assemblée générale qui se réunira le 18 avril », annonce Marcello Conviti. Un site spécialisé (Deontofi), repris par « Que Choisir » pose « le problème d’un délit d’initié » : « En janvier 2016, le cours de Carmat a sévèrement baissé lorsque l’un des patients est mort. Mais la chute a débuté neuf jours avant l’annonce officielle du décès, le titre reculant de 25 %. Un scénario observé lors des précédents décès, le titre chutant à chaque fois, avec un plongeon qui commence toujours avant l’annonce du décès. »

Le DG de Carmat réfute catégoriquement ces soupçons : « Aucune personne, dirigeant ou collaborateur de l’entreprise, n’a vendu une action entre la mort du quatrième patient implanté et son annonce officielle, assure-t-il au « Quotidien ». Durant cette période, vous observerez d’autre part qu’on assistait à un repli généralisé des valeurs boursières, Carmat n’a tout simplement pas fait exception à la tendance baissière. »

« Au-delà d’un épisode particulier, nous avons une philosophie de communication qui consiste à ne pas divulguer les informations médicales tant qu’elles peuvent rester confidentielles. C’est lorsque surviennent des fuites médiatiques, comme pour chacun des décès, que nous sommes conduits à des communications de réaction. Cette stratégie a toujours été la nôtre, justement pour prévenir et éviter tout mouvement spéculatif sur la cotation. »

Au chapitre technique et clinique, alors que la finalisation de l’étude de faisabilité est en cours devant l’ANSM et le CPP (Comité de protection des patients), le patron de Carmat, annonce que « les hôpitaux sont prêts dans dix pays européens pour les vingt implantations nécessaires en vue du marquage CE du cœur artificiel total ». Et Marcello Conviti se déclare « ravi de l’engagement des pouvoirs publics via l’augmentation de capital, pour permettre à la France d’être un leader mondial sur le marché biotech et medtech. » Il annonce le lancement de cette nouvelle phase « non pas pour ce trimestre, mais certainement pour ce semestre. »

Christian Delahaye

Source : lequotidiendumedecin.fr