L'office français de l'intégrité scientifique officiellement créé

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Publié le 23/03/2017

Annoncé en décembre dernier par le secrétaire d'État à la recherche Thierry Mandon, et conformément aux préconisations du rapport du Pr Pierre Corvol, du Collège de France, l'Office français de l'intégrité scientifique (OFIS) a officiellement vu le jour ce jeudi. Une circulaire en décrivant le fonctionnement a en effet été publiée ce matin au « Bulletin officiel » de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

L'OFIS tiendra lieu « d'observatoire et de référence pour toutes les questions relatives à l'intégrité », assure Thierry Mandon, et s'assurera également que des formations sur l'intégrité sont mises en place. Il comportera un Conseil de l'Intégrité Scientifique, composé de 9 à 11 personnalités, et une équipe opérationnelle dotée d'un directeur.

Il aura également vocation à accompagner l'engagement des opérateurs de recherche sur les questions d'intégrité scientifique réunis au sein d'une Conférence des signataires. Cette structure sera en mesure de faire valoir au niveau européen et international les actions des acteurs nationaux de la recherche publique.

Plus de 650 études, sur 2 millions publiées, ont été retirées dans le monde en 2016, selon le site américain Retraction Watch. Depuis 10 ans, la proportion des études retirées par rapport à celles publiées est en augmentation.

Une ampleur inconnue en France

L'ampleur de la fraude est méconnue en France. En 5 ans, 46 cas de plagiats ont été rapportés par l'ensemble des universités françaises, de même que 2 fabrications de résultats et 22 falsifications. Un chiffre qui « peut paraître faible, mais qu'il faut prendre avec précaution, commente le Pr Corvol. Il ne prend pas en compte l'immense majorité des fraudes moins spectaculaires : les petits embellissements de résultats qui sont un problème très sérieux qui discrédite la recherche. » La recherche biomédicale est la plus touchée par ces « petits arrangements », et cela « d'autant plus que la reproductibilité y est bien moindre », précise le Pr Corvol. La quantification et la qualification de ces fraudes, grandes ou petites, via un observatoire dédié, figure également sur la to do list de l'OFIS.

La circulaire parue au « Bulletin officiel », précise d'autres éléments de la politique de lutte contre la fraude scientifique voulue par Thierry Mandon. Ainsi, le texte prévoit la généralisation de la Charte de déontologie des métiers de la recherche signée en janvier 2015, qui attribut au responsable exécutif de l'opérateur de recherche le rôle de garant de l'intégrité scientifique des travaux de recherche. Ce dernier doit désigner un référent à l'intégrité et lui adresser une lettre précisant ses missions et son rattachement. Le référent devra notamment être clairement distingué de la direction scientifique de l'opérateur.

Les aventures d’« Anna Fraude »

Hasard du calendrier, le lancement de l'OFIS a lieu au moment où des chercheurs polonais démontrent le peu de soin de certaines revues scientifiques dans le recrutement des membres de leur comité éditorial. Dans un commentaire publié par le journal « Nature », les psychologues Piotr Sorokowski, Emanuel Kulczycki, Agnieszka Sorokowska et Katarzyna Pisanski décrivent comment ils ont créé de toutes pièces une chercheuse en sciences sociales, Anna Szust (Anna Fraude en polonais), qu'ils sont parvenus à faire recruter par plusieurs revues académiques.

Bien que n'ayant jamais publié dans des revues connues et n'ayant aucune expérience comme éditrice, « Anna Fraude » a envoyé son CV et une lettre de motivation à 360 revues, dont certaines jugées sérieuses et d'autres ayant mauvaise réputation. Sur ces 360 titres, aucun des 120 figurants sur l'annuaire du « Journal Citation Reports », regroupant des titres remplissant certains critères de qualité n'a accepté la candidate.

En revanche 8 des 120 journaux de l'Annuaire des Journaux en accès libre (DOAJ) ont recruté la chercheuse imaginaire. Enfin, 40 des 120 revues « potentiellement ou probablement rapaces » (qui acceptent de publier des études contre rémunération), selon les auteurs ont accepté de recruter Anna. Quatre lui ont même proposé le titre de rédacteur et une douzaine de revues se sont montrées prêtes à recruter Anna à condition qu'elle apporte de l'argent d'une façon ou d'une autre.


Source : lequotidiendumedecin.fr