Entretien

Nicolas Revel, directeur de la CNAM : « Nous ne sommes pas dans une logique de sanction mais d’accompagnement »

Publié le 15/06/2015
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LE QUOTIDIEN : Sur les dix premiers mois de 2014, le nombre de bénéficiaires d’IJ a baissé de 2,7 % mais le nombre de jours indemnisés est en hausse de 2,8 %. Pourquoi cette évolution inquiète-t-elle la CNAM ?

NICOLAS REVEL : Les dépenses liées aux indemnités journalières étaient restées stables en 2012 et 2013 ; elles ont augmenté de nouveau et assez fortement en 2014. La mission de la CNAM n’est pas tant de s’en inquiéter que d’essayer de comprendre ce phénomène. Quand on regarde les choses de plus près, la baisse du nombre d’arrêts de travail s’explique presque totalement par une épidémie de grippe moins aiguë en 2014, et donc beaucoup moins de petits arrêts. Les arrêts compris entre 31 et 180 jours concentrent à eux seuls près des deux tiers de la croissance enregistrée. Si l’augmentation est particulièrement nette pour les personnes de plus de 60 ans, il n’y a pas d’explication unique à ce phénomène. Nous devrons donc l’analyser dans la durée.

Vous lancez un plan d’action pour enrayer l’envolée des arrêts de longue durée en plaçant sous surveillance les gros prescripteurs. Les médecins sont-ils selon vous les premiers responsables de cette situation ?

La question ne se pose pas ainsi. D’abord, il ne s’agit pas de désigner des responsables. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’assurance-maladie intervient pour veiller à ce que les arrêts prescrits le soient à bon escient, notamment en termes de durée. Nos programmes de contrôle seront ni plus ni moins importants cette année que les années précédentes. Nous souhaitons en revanche améliorer la pertinence de nos interventions vis-à-vis des médecins. Je ne parle pas de ceux, finalement très peu nombreux, qui prescrivent 10 à 20 fois plus que leurs confrères – et pour lesquels nos dispositifs de mise sous accord préalable seront maintenus. Je parle des autres auxquels nous voulons apporter un service nouveau. D’abord en mettant à leur disposition des références sur la durée des arrêts. Nous élaborons depuis plusieurs années des fiches repères avec la Haute autorité de santé que nous diffusons aux médecins concernés. Nous allons le faire sur un plus large champ de pathologies. Nous allons également engager des actions tournées vers l’assuré pour prévenir davantage la désinsertion professionnelle. Pour des patients qui peuvent s’inscrire dans une perspective de reprise de leur emploi, nous voulons mieux faire le lien entre la médecine du travail, le service social de l’assurance-maladie et le médecin traitant. Dans tous les cas, nous ne sommes pas dans une logique de sanction mais d’accompagnement, de conseil et de mise en relation.

La CNAM pourrait-elle retirer aux médecins la libre appréciation d’arrêts de travail pour affection de longue durée ?

Absolument pas. Le médecin doit rester juge de l’arrêt de travail et de sa prescription. C’est un principe essentiel. En matière d’ALD, le projet de loi sur la modernisation de notre système de santé prévoit au contraire la suppression de la validation systématique de l’assurance-maladie sur les protocoles de soins élaborés par le médecin pour chaque admission ou renouvellement.

Les médecins libéraux s’estiment stigmatisés par cette campagne. Que leur répondez-vous ?

Les objectifs de maîtrise médicalisée que nous a fixés le Parlement sur les indemnités journalières sont les mêmes en 2015 que ceux de l’année passée. Il n’y a pas de campagne et a fortiori pas de plan caché. Nous sommes amenés à réfléchir à de nouvelles formes d’accompagnement, en partant du constat que l’état de notre société évolue et que le risque de désinsertion professionnelle s’accentue notamment chez les salariés les plus âgés. Les actions qui seront mises en œuvre ne stigmatisent ni les médecins, ni les assurés. C’est tout le contraire.

Propos recueillis par H.S.R.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9420