Peu informés, mal équipés, écartés des décisions : les libéraux font remonter leurs doléances au Sénat dans la gestion de la crise sanitaire

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Publié le 14/04/2020

Crédit photo : S.Toubon

Depuis le 31 mars 2020, la commission des Affaires sociales du Sénat prend le pouls de la médecine de ville mobilisée dans la lutte contre le Covid-19, via un espace participatif sur son site Internet. Ce mardi, un premier bilan a été publié.

Ce dernier fait état de 3 785 contributions, dont un quart par des médecins. 41 % des répondants sont issus d'autres professions paramédicales (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes…) et 4 % des pharmaciens. 16 % des répondants exercent dans la seule région Ile-de-France. Plus de la moitié est âgée de 45 ans ou moins.

Sur la communication de l'État, une petite majorité de répondants estime avoir été bien informée (53 %), mais pointe certaines limites. L'information est jugée « trop tardive, en retard sur l’actualité, insuffisamment claire, de portée trop générale », ou encore trop hospitalo-centrée, et pas en phase avec les besoins du terrain. Certains déplorent une « cacophonie » d’informations, parfois contradictoires. Parmi leurs inquiétudes liées à cette communication, la situation financière de leurs cabinets et le fait de pouvoir bénéficier des mesures compensatoires de l'État, relève le Sénat.

Des recos « pas assez claires »

Sur la prise en charge des patients Covid-19, là encore, les libéraux font état d'un manque de clarté et de cohérence. 50 % pensent que les recommandations des autorités sanitaires concernant les traitements susceptibles d’être administrés aux patients atteints ne sont « pas assez claires, cohérentes et pertinentes » et font aussi état d’incompréhensions entre dispensateurs et prescripteurs, notamment concernant la prescription en ville d’hydroxychloroquine et d’azithromycine, refusée car elle sort des recommandations. 

Au contraire, les médecins plaident pour une meilleure articulation entre la médecine de ville et l’hôpital pour favoriser la collecte de données cliniques sur l’efficacité de certains traitements expérimentaux, et prévenir les risques associés à l’automédication ou aux prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Ils estiment que vu le contexte actuel, le soin « ne peut s’accommoder du temps long nécessité par le recueil de données complémentaires dans les conditions standards d’essais cliniques ». Des voix s'élèvent pour défendre le Pr Didier Raoult et réclamer l’autorisation de prescrire en ville l’hydroxychloroquine.

Chair à canon

Interrogés sur les défis et les besoins de la crise, les libéraux de santé pointent une « impréparation » de l’État et des autorités sanitaires, « en dépit de signes annonciateurs dès la fin 2019 », et déplorent le maintien d’acteurs et de procédures trop administratifs.

Si la téléconsultation a été pratiquée par 70 % des médecins sondés, dont 34 % avec des difficultés (couverture réseau, modalités de prise en charge), nombre d'entre eux ont aussi participé à la mise en place d'un centre de consultation Covid sur leur territoire, soumis à autorisation de l'ARS. Si dans ce cadre, les relations avec l'hôpital, auquel le centre peut être adossé, sont jugées satisfaisantes par 51 % des médecins libéraux, des difficultés émergent comme le délai de réponse de l'ARS ou les modalités de rémunération peu claires. Surtout, certains se sont sentis « en première ligne comme de la chair à canon, sans les mesures adaptées et les protections adéquates ». Car la principale doléance des professionnels de santé libéraux porte sur leur équipement de protection individuelle, avec une insistance particulière sur les masques FFP2 : seuls 24,5 % des médecins, 32 % des pharmaciens et 14 % des infirmiers s’estiment bien équipés.

Rupture des soins

Pour une meilleure gestion de la crise, plusieurs idées ressortent : un dépistage massif, plus de coordination entre la ville et l'hôpital, mais aussi plus de confiance en les acteurs de premier recours. Certains répondants soulignent ainsi l'intérêt des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et estiment que les libéraux de santé seront des acteurs majeurs du déconfinement.

Enfin, dans l'optique d'une sortie de crise, les libéraux, et notamment les médecins, craignent une rupture des soins et une possible décompensation des malades chroniques (diabète, hypertension), les autorités sanitaires ayant recommandé au départ de ne se rendre à une consultation médicale qu’en cas d’urgence, mais également des ruptures de stocks ou des difficultés d'approvisionnement sur des produits de santé.


Source : lequotidiendumedecin.fr