Les rendez-vous du Quotidien / Méningites et purpura fulminans

Prévention des infections à méningocoques C

Publié le 30/09/2010
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« LA VACCINATION est le seul outil de prévention des maladies infectieuses graves » rappelle le Dr Sandrine Baron-Joly (pédiatre au CHU de Nîmes) en donnant quelques exemples particulièrement frappants de cette affirmation. Ainsi pour la diphtérie, alors qu’on dénombrait 45 000 cas et 4 500 décès par an en France avant l’introduction de la vaccination en 1923 (rendue obligatoire en 1938), plus aucun cas n’est répertorié en 2000. Un taux de réduction de plus de 99 % dû à la vaccination est aussi observé pour le tétanos, la coqueluche et la polio. Malheureusement, il n’en est pas de même pour les infections invasives à méningocoques C (IIMC) car la vaccination antiméningococcique C, introduite en France en 2002, l’a été uniquement chez les sujets à risque.

Des infections sévères.

Neisseiria meningitidis est une bactérie strictement humaine qui ne survit pas dans l’environnement et dont le réservoir est l’oropharynx humain. Cinq à 10 % de la population sont considérés comme des porteurs sains de méningocoques C et sont donc des sources potentielles de dissémination de cette bactérie. Le Dr Sandrine Baron-Joly rappelle que les IIMC sont des infections graves : méningites, méningococcémies (purpura fulminans). Elles peuvent aussi donner lieu à quelques localisations organiques particulières : arthrite, pleurésie, pneumopathie, péricardite… La létalité est de 10 à 30 % selon les formes cliniques et les séquelles sont fréquentes (10 à 30 % des cas). Ces séquelles peuvent être une surdité ou des séquelles cognitives dans la méningite, une amputation dans le purpura fulminans.

Changement de stratégie vaccinale en France.

Le Haut Conseil de santé publique et le Comité Technique des Vaccinations (CTV) ont décidé de généraliser la vaccination antiméningococcique C en France en 2010 suite à différentes constatations :

- Des situations d’hyperendémie ont été observées : en 2002 dans le Puy-de-Dôme, en 2006 dans l’Yonne, en 2007 dans les Alpes de Haute- Provence et en Haute-Vienne, en 2008 dans le Doubs, en 2009 en Haute-Marne. Ceci a conduit à des campagnes de vaccination localisée et à une franche régression des IIMC dans ces régions.

- Lorsque les vaccins antiméningococciques C ont été disponibles, certains pays ont immédiatement généralisé la vaccination (Grande-Bretagne, Espagne, Pays-Bas, Canada) avec des schémas vaccinaux différents : Grande-Bretagne, Espagne et Québec : vaccination avant 1 an avec 3 doses ; aux Pays-Bas : vaccination avec 1 dose entre 1 et 2 ans. Quel que soit le schéma vaccinal retenu, il en a résulté une réduction des incidences des IIMC de plus de 90 %.

En France au contraire, pendant le même temps, on notait une augmentation de l’incidence des IIMC qui est devenue une des plus élevées d’Europe. D’ailleurs,

depuis 2005, l’incidence des IIMC est plus élevée dans tous les pays qui n’ont pas généralisé la vaccination antiméningococcique C, que dans les pays où la vaccination a été généralisée immédiatement.

- Depuis quelques années, on note l’émergence d’un clone de méningocoque C (2a : P1.7,1/ST11) particulièrement virulent : 1,1 % avant 2006 et 24 % en 2008. De plus, l’âge d’incidence des IIM à ce clone est déplacée vers les sujets plus âgés et le taux de mortalité est élevé dans les cas groupés d’IIMC. Cette émergence est d’autant plus inacceptable que la vaccination antiméningococcique C protège contre cette souche.

- Il existe une association spatio-temporelle entre les IIMC et la grippe qui fait redouter depuis quelques années qu’une épidémie grippale puisse augmenter incidence des IIMC.

Une dose pour tous de 1 à 24 ans.

La vaccination systématique des nourrissons entre 1 et 2 ans est maintenant recommandée avec une seule dose de vaccin antiméningococcique conjugué de sérogroupe C. Pour ne pas faire perdre de chances aux enfants non vaccinés à ce jour, l’extension de cette vaccination jusqu’à l’âge de 24 ans révolus selon le même schéma à 1 dose, est aussi recommandée.

Trois vaccins antiméningococciques C conjugués sont disponibles depuis 2002. Ils doivent être administrés par voie IM, sont immunogènes dès 2 mois, confèrent une immunité T dépendante, réduisent le portage et confèrent une immunité de groupe.

Le schéma vaccinal varie selon l’âge :

- avant 1 an (si nécessaire) : 2 doses de 0,5 ml sont administrées à 2 mois d’intervalle et sont suivies d’un rappel à plus de 6 mois de la 2e dose.

- Après 1 an : une injection unique de 0,5 ml suffit. Elle peut être réalisée en même temps mais sur un site différent que d’autres vaccins : D, T, P, coq, HiB, Hépatite B, ROR.

Depuis leur mise à disposition, les vaccins antiméningococciques C conjugués n’ont donné lieu à aucune signalisation en pharmacovigilance.

Les effets secondaires qui peuvent être observés sont habituels : rougeur, œdème et douleur au point d’injection, irritabilité, fièvre dans les 24 à 48 heures, céphalée, malaise. Une réaction allergique généralisée peut survenir comme avec tous les vaccins mais elle est plus rare qu’avec les vaccins hexa- ou pentavalent actuels.

Le Dr Sandrine Baron-Joly conclut : « Lors de la vaccination, il est important de rappeler que la vaccination ne couvre que les IIMC et pas les infections à d’autres méningocoques, que les vaccins apportent une protection individuelle et collective. Il faut maintenir une surveillance active des IIMC, les déclarer et signaler les cas à l’INvs (Institut national de veille sanitaire). Cependant des questions restent actuellement posées : Quelle sera la durée du rattrapage ? Sera-t-il nécessaire de faire un rappel à l’adolescence ? Une réponse à ces questions ne pourra être apportée que si un taux de couverture vaccinale élevée est rapidement obtenu. »

Réunion organisée avec le soutien institutionnel des Laboratoires Pfizer.

 YVONNE EVRARD

Source : Le Quotidien du Médecin: 8826