Royaume-Uni : capteurs, trackers et moniteurs pour mieux apprivoiser la démence

Publié le 05/03/2021
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Ouvert en 2019, le Care Research and Technology Centre élabore des maisons intelligentes pour monitorer l’état de santé des personnes atteintes de démence. Le but consiste à transformer et personnaliser leurs soins mais aussi à réduire leurs visites à l’hôpital. Ces recherches font échos à une autre étude menée en 2016 par l’Université de Surrey.

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le Royaume-Uni compte plus de 928 000 personnes atteintes de démence. En 2025, elles pourraient être 1,1 million. Face à la maladie, le pays développe une double réponse. Au sein de l’institut pour la recherche sur la démence britannique (UK Dementia Research Institut), six centres travaillent au niveau moléculaire pour trouver des solutions curatives par le biais de la recherche scientifique. Un septième établissement, le Care Research and Technology Centre, dirigé par le professeur David Sharp, a ouvert au printemps 2019 pour autonomiser les personnes atteintes de démence grâce à des maisons intelligentes équipées de capteurs sensibles.

L’objectif consiste à améliorer le quotidien des malades mais aussi à prévenir les problèmes de santé liés à leur condition, tout en soulageant la pression sur le service national de santé (NHS). Car plus de 25 % des lits d’hôpitaux du NHS sont occupés par des personnes atteintes de démence et 20 % de ces admissions sont dues à des causes évitables (chutes, épisodes d’agitation ou infection).

Machine learning

Situé au sein de l’Imperial College de Londres, le centre travaille en collaboration avec l’Université de Surrey. « Pour l’instant, les recherches se développent dans un living lab, explique Sarah Daniels, responsable de la santé et des soins sociaux du centre. Il a été organisé pour reproduire les besoins du monde réel et nous travaillons de façon intégrée avec les services de santé. » En parallèle des mouvements enregistrés par les capteurs, les chercheurs du centre enregistrent les données physiologiques de la quarantaine de participants : pression, température, test sanguin… « Par le machine learning, nous construisons des modèles qui intègrent ces données, poursuit la responsable. Avec le temps, cela nous permettra aussi d’observer la progression de la maladie. »

Chaque changement dans le comportement d’un patient envoie une alerte à l’équipe de soin ou peut déclencher une intervention active comme la prise de rendez-vous avec un médecin traitant. « Grâce aux capteurs, nous pouvons évaluer la fréquence à laquelle la personne se rend aux toilettes, détaille Sarah Daniels. Une augmentation de cette fréquence pourra nous mettre sur la piste d’une d’infection des voies urinaires. Au lieu de réagir après un problème ou un accident, la technologie aidera à prédire les risques médicaux. » Autre exemple, ces données permettront aussi d’introduire une nouvelle hygiène de vie dans le cadre d’un sommeil perturbé. L’approche comportementale sera requise en priorité mais cela n’empêchera pas une réponse médicamenteuse si nécessaire. L’objectif reste néanmoins de donner aux médecins des mesures très précises pour optimiser la réponse et éviter les inconvénients liés aux médicaments tels que l’aggravation des problèmes cognitifs ou les risques de chute.

Il est pour l’instant trop tôt pour évaluer le coût de ce genre de maisons intelligentes, mais à long-terme, l’objectif n’est pas forcément d’équiper toute personne atteinte de démence de ce genre de kit. « Une configuration de ce type pourra aider les structures de soins, d’autres pourront être installées dans les maisons, mais cela pourra aussi être complété par des patients qui portent juste une alarme pendentif avec un bouton pour prévenir un call center en cas de problème », indique Sarah Daniels.

Baisse des visites aux urgences

Dès 2016, une première étude sur ce genre de maisons intelligentes avait été réalisée par l’Université de Surrey avec la participation de 204 personnes atteintes de démence et 204 soignants. La moitié des participants ont eu leurs maisons équipées de capteurs pour enregistrer leurs mouvements et les données environnementales telles que la température et la lumière alors que des trackers surveillaient les mouvements à l’extérieur des maisons. Des moniteurs ont enregistré des données comme la tension artérielle, la température corporelle, le pouls, la saturation en oxygène, le poids et l’hydratation.

Selon les premières évaluations de cette étude, les participants équipés de la technologie ont constaté une réduction significative de symptômes psychiatriques associés à la démence tels que la dépression, l’anxiété ou l’irritabilité. Les soignants, de leur côté, ont souligné que ces technologies leur apportaient de la tranquillité. Les participants, quant à eux, ont observé une baisse de leurs visites aux urgences ou chez le médecin et un soulagement de la pression au sein de la famille. Les technologies développées notamment par cette étude ont été utilisées dans le Surrey au cours de la pandémie de coronavirus pour organiser une surveillance à distance de personnes de plus de 65 ans ayant des problèmes cognitifs, de dépression ou d’anxiété.

Exergue : Ont été observés une baisse des visites aux urgences ou chez le médecin et un soulagement de la pression au sein de la famille

Chloé Goudenhooft

Source : Le Quotidien du médecin