Ségur de la santé : la CSMF défend un statut médical unique basé sur des missions

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Publié le 30/06/2020
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Crédit photo : S.Toubon

Premier syndicat de médecins libéraux, la CSMF s'est prêtée au jeu des contributions au Ségur de la santé en rendant public une série de propositions. Attentive à ce que la médecine ville ne soit pas laissée au bord de la route dans une concertation jugée « hospitalocentrée », la centrale polycatégorielle innove en réclamant d'évoluer vers un statut médical unique. 

Sortir des affrontements stériles

La CSMF le dit tout haut : «une tendance au dénigrement d’un monde par l’autre s’est installée » entre la ville et l'hôpital. Sortir « des affrontements stériles » réclame une série de mesures structurantes. La Conf' pense à « réactiver les formes classiques de statuts de praticiens hospitaliers temps partiel, en aménageant ces statuts de façon à faire varier le temps partiel entre deux demi-journées et six voire huit demi-journées ». « Cela rendrait caduque le problème des vacations hospitalières qui sont aujourd’hui très mal rémunérées », argumente le syndicat.

Sur le modèle des hôpitaux locaux qui accueillent des généralistes de ville, la centrale de Jean-Paul Ortiz veut « ouvrir la possibilité pour les médecins libéraux d'exercer à l'hôpital avec une rémunération à l'acte, comme en ville, moyennant une redevance à un taux raisonnable ». Autre suggestion : favoriser les groupements de coopération sanitaire (partage de plateaux techniques lourds), spécialité par spécialité, quitte à transformer un service hospitalier en mal de médecins en « secteur libéral intra-muros » hospitalier, plus attractif.

Historiquement favorable à un exercice mixte — un pied en ville, l'autre à l'hôpital —, la CSMF va beaucoup plus loin en proposant « d'aller vers un statut unique basé sur des missions que le médecin français assumera au fur et à mesure de sa vie professionnelle et en fonction du secteur d'activité où il exerce ». Un peu sur le modèle hospitalier, la centrale identifie six missions : soins, prévention et santé publique, enseignement (« Demain, on doit avoir des professeurs d’universités associés médecins libéraux dans toutes les disciplines », insiste la Conf'), recherche, management, gestion et organisation entrepreuneuriale. Ces missions ne sont en rien obligatoires, le médecin étant libre de les exercer « dans des proportions variables », voire pas du tout.

« L’ensemble de ces missions pourrait faire l’objet de rémunération à des tarifs voisins mais variables en fonction de l’implication et du statut du médecin », indique la CSMF qui, ce faisant, prend une nouvelle fois ses distances avec le modèle historique du médecin libéral rémunéré quasi-exclusivement à l'acte. Et de conclure : « Le raisonnement par mission permet de mettre en place une carrière médicale évolutive, transsectorielle, et facilitant le passage d’un secteur à l’autre en fonction des compétences et des appétences de chacun, pour mieux répondre aux besoins de la population ».

Consultation spé de synthèse annuelle

Pour la CSMF, tous les patients doivent être suivis par une équipe de soins composée d'un généraliste, de médecins spécialistes de proximité et d'autres professionnels de santé. « Aujourd’hui la coordination de cette équipe [parfois appelée équipe ouverte] se fait de façon quelquefois structurée mais quelquefois plus spontanée », note le syndicat. Pour structurer cette collégialité, le syndicat mise sur le DMP – et sur d'autres outils de coordination numériques existants – comme les applis Globule en Aquitaine et Alta Strada en Corse.

Le temps passé sur ce travail en équipe doit être reconnu. C'est pourquoi le médecin spécialiste impliqué dans le suivi d'une pathologie chronique mérite une « valorisation spécifique sous forme d’une consultation de synthèse annuelle permettant de mettre en place un plan de soins spécialisés adapté ». Quant au médecin traitant, lui aussi doit être rémunéré à chaque fois qu'il abonde un DMP.

À l'échelon supérieur, même constat : les nouvelles équipes de soins primaires (ESP) « doivent faire l'objet d'un accompagnement financier sous forme d’une contractualisation urgente avec les ARS, en attendant la mise en place d’un mécanisme conventionnel », martèle la CSMF. Même combat pour les équipes de soins spécialisés qui émergent.

Pratique médicale : la CPTS n'est pas un carcan 

Question exercice, la CSMF se met au diapason de la volonté du gouvernement de généraliser le travail en équipe, à condition d'accompagner cette mutation. « Les cabinets de groupe, les centres médicaux ou toute autre organisation regroupée y compris avec l’utilisation des outils numériques doit être encouragée et favorisée » par des moyens financiers. Pas question que l'adhésion à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) conditionne le versement d'une rémunération individuelle. « Il est hors de question que l’appartenance à une CPTS modifie la rémunération ou la valeur de l’acte médical », insiste la CSMF, en référence à une proposition de la Mutualité qui a exaspéré la médecine de ville.

Alors que la crise sanitaire a permis à la télémédecine de prendre son envol, il faut aller plus loin, clame la CSMF. La télé-expertise doit ainsi bénéficier d'une tarification « simplifiée et revalorisée », note la Conf'. Quand à la télésurveillance, il est temps de la faire rentrer dans le champ conventionnel, au même titre que la télémédecine.

Soins non programmés : sauvez le soldat 116 117

Sur la prise en charge des soins non programmés, et en attendant les arbitrages sur le service d'accès aux soins universel (SAS), la CSMF fixe ses conditions : pour les généralistes, une indemnisation forfaitaire « en sus de l'acte » pour toute prise en charge via les centres de régulation libérale d'une part ; pour les autres spécialités, un « assouplissement de la majoration dite d’urgence, en ouvrant plus largement le délai permettant sa cotation ». Jusqu'à cinq jours semblent « raisonnables » pour la Conf'. Autre obligation : généraliser le 116 117, numéro de régulation libérale réclamé de longue date par la médecine de ville.


Source : lequotidiendumedecin.fr