Six millions de consultations « économisées » : Buzyn défend sa réforme et écarte le conventionnement sélectif

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Publié le 10/01/2020

Crédit photo : AFP

« Face au manque de médecins, je ne suis pas sûr que la suppression du numerus clausus soit suffisante. C'est un cri d'alarme, Mme la ministre. Mes concitoyens disent qu'ils sont moins bien soignés que les animaux. Et moi je n'ai pas de réponse à leur donner », lance Paul Molac, député du Morbihan (Groupe Libertés et territoires). Lors de la séance publique consacrée hier à l'efficacité des mesures prises pour lutter contre la pénurie médicale dans le cadre de la semaine de contrôle, les députés ont pressé la ministre de la Santé à prendre des mesures fortes face à l'urgence sanitaire.

« En Sarthe, on y relève 60 médecins généralistes pour 100 000 habitants et nombreux sont ceux qui sont en âge de prendre leur retraite. Depuis le 1er janvier, le service de réanimation pédiatrique du CH du Mans est fermé pour des difficultés de recrutement. Les enfants de 3 mois à 15 ans ne peuvent donc plus être pris en charge dans une unité adaptée. La situation est très grave. Je vous incite à prendre des mesures immédiates au lieu d'attendre d'hypothétiques changements dans plusieurs années », martèle la députée socialiste Sylvie Tolmont. « Nous devons aux Français d'être plus courageux et plus coercitifs. Les jeunes diplômés doivent pouvoir y contribuer en étant présents deux ou trois ans, après l'obtention de leur diplôme dans des zones sous-dotées », renchérit Christophe Naegelen, député des Vosges (UDI, Agir et indépendants).

Plusieurs députés ont même déploré le refus obstiné de la ministre de mettre en place le conventionnement sélectif à l'installation. Face à cette nouvelle charge, Agnès Buzyn est restée très ferme. À plusieurs reprises, la locataire de Ségur a rappelé les raisons de son refus. « Mon prédécesseur n'a pas mis en place le conventionnement sélectif car nous savons que cela ne fonctionne pas pour les professions à faible démographie », dit-elle. 

« Frappée » par les lapins

Au conventionnement sélectif, la ministre préfère les effets de sa réforme Ma santé 2022, dont elle a vanté les mérites pour gagner du temps médical. « Nous estimons à 6 millions [le nombre de] consultations économisées chez les médecins. C'est l'équivalent de 1 200 généralistes supplémentaires », annonce-t-elle. Parmi les dispositifs phares de son plan, la ministre a évoqué le recrutement des médecins salariés : 110 recrutements ont été effectués sur les 400 postes annoncés. 200 postes supplémentaires seront proposés dans le cadre de la loi sur la ruralité. Concernant la création des 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour favoriser l'exercice coordonné, 400 sont recensées dont « une cinquantaine déjà active » sur le territoire.

La ministre s'est par ailleurs dite « frappée » par le nombre de rendez-vous non honorés. « Nous avons une éducation de la population française face à cette nécessité de préserver le temps médical, nous n'en parlons pas suffisamment », reconnait-elle.

Sollicitée par le Dr Thomas Mesnier, député LREM de la Charente, sur les calendriers de publication des textes d'application de la loi, Agnès Buzyn annonce que les décrets d'application permettant de généraliser les médecins adjoints à toutes zones sous-denses sont en cours de concertation.

Cystite et douleur de la gorge aiguë de l'adulte aux pharmaciens

Enfin, la ministre est revenue sur la possibilité accordée par la loi de santé aux pharmaciens d'officine de délivrer des médicaments à prescription médicale obligatoire pour des pathologies simples comme l'angine, la cystite ou encore les douleurs dentaires. Entrée en vigueur le 1er janvier, cette nouvelle délégation de tâches aux officinaux, pas toujours bien vue des médecins, va être encadrée par voie réglementaire. « Les textes d'application, c'est-à-dire la liste des médicaments concernés et les conditions de formation des pharmaciens, seront publiés en mars 2020 », a dit la ministre. 

Les cystites et les douleurs de la gorge aiguë de l'adulte sont les deux premières pathologies concernées. Selon la ministre, les protocoles de coopération sont en cours d'instruction à la Haute Autorité de santé (HAS). Ils devraient apporter des précisions concernant « la formation des pharmaciens, les modalités d'information des patients et celles permettant la transmission des informations entre délégués et délégants », explique Agnès Buzyn. 

Quant aux textes réglementaires concernant une meilleure intégration des médecins à diplôme hors Union européenne (PADHUE) dans le système de santé, ils seront publiés en mars 2020.


Source : lequotidiendumedecin.fr