Transparence comptable, contrôle des bénéfices : les cliniques crient à la stigmatisation

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Publié le 08/04/2015

Un amendement « surprise » du gouvernement au projet de loi de santé portant sur la transparence des comptes des établissements (prévoyant la transmission obligatoire des données comptables aux ARS) a gâché le week-end pascal de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP).

Déposé après le passage du texte en commission des affaires sociales, l’amendement qui a déclenché la colère de la Fédération fait paradoxalement réponse à deux plaintes déposées à Bruxelles par la FHP pour atteinte à la libre concurrence (via les aides de l’État sous forme de dotations MIGAC et les écarts de tarifs public/privé).

Grâce à cet amendement, le gouvernement entend rentrer dans les clous en adoptant la conception européenne de service d’intérêt économique général (SIEG), soumis à la loi du marché et à la concurrence.

Ces services (électricité, gaz, courrier, hôpital, logement, transport) sont soumis à des obligations spécifiques.

Contrôle accru des agences régionales de santé

Selon cet amendement, les activités de soins remboursées par l’assurance-maladie constituent bien un SIEG.

Dès lors, leur financement doit être contrôlé pour vérifier que les établissements n’en tirent pas un « bénéfice excessif », c’est pourquoi le gouvernement impose aux établissements de transmettre leurs comptes à leur agence régionale de santé (ARS). Les cliniques devraient également remettre les comptes de leurs organismes gestionnaires.

À partir de ce bilan comptable, les agences pourront ensuite vérifier « l’absence de surcompensation financière » (obligation attachée au SIEG) sur l’ensemble des soins dispensés. Les ARS peuvent même, le cas échéant, procéder à la récupération des sommes indues, indique l’amendement. Un décret sera chargé de préciser les modalités d’application et de contrôle.

Mesure méprisante pour les cliniques

« Surpris, choqué et extrêmement inquiet » par cette « surprise » dont il a pris connaissance le week-end dernier, Lamine Gharbi, président de la FHP, dénonce un amendement « déposé en catimini », « extrêmement dangereux par son imprécision, à la fois sur les règles d’application et sur l’absence de garanties sur la mise en œuvre de ces règles ». « Cela dénote du mépris le plus total et le plus élémentaire du gouvernement à notre égard », juge-t-il.

La FHP ajoute que cette initiative (la reconnaissance de l’activité de soins comme un SIEG) ouvre la porte à un contentieux européen sur la convergence tarifaire.

Effet boomerang

Favorable à la suppression de l’amendement incriminé, la FHP estime néanmoins qu’en cas d’adoption, la reconnaissance de l’activité de soins comme SIEG pourrait rebattre les cartes sur l’éviction des cliniques du secteur public hospitalier, pour cause de dépassements d’honoraires.

« Si l’activité de soins est une activité de service public, alors toutes les cliniques ont vocation à faire partie du service public hospitalier », argumente la FHP. L’examen par les députés de cet amendement polémique devrait avoir lieu avant la fin de la semaine.

Anne Bayle-Iniguez

Source : lequotidiendumedecin.fr