Recherche biomédicale

Aviesan : une alliance payante

Publié le 10/06/2011
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Crédit photo : S TOUBON

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Crédit photo : S. TOUBON/LE QUOTIDIEN

« LA COMMUNAUTÉ médicale doit savoir que les recommandations prises par les autorités compétentes s’appuient sur des recherches de très haut niveau », indique André Syrota, qui préside l’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé, avec pour vice-président Patrick Netter (directeur de l’Institut des sciences biologiques du CNRS). Il estime qu’Aviesan est entrée aujourd’hui « dans une phase de consolidation ». Elle a d’ailleurs inspirée d’autres disciplines : sur ce modèle, le gouvernement a créé quatre autres alliances, sur l’énergie (Ancre), sur le numérique (Allistene), sur l’environnement (AllEnvie) et sur les sciences humaines et sociales (Athena). Présentation avec André Syrota.

• Naissance d’Aviesan

« Aviesan (aviesan.fr) est né à partir d’un constat : la dispersion des sciences de la vie et de la santé entre de nombreux acteurs, les organismes, les instituts, les universités et les centres hospitaliers universitaires. Jusqu’à cette époque, la coordination n’existait pratiquement pas. Le système de recherche, dans ce domaine, était peu incompréhensible au niveau français mais aussi à l’étranger, d’autant plus que dans le meme temps, ont été institués des pôles régionaux (en cancérologie, infectiologie, en génomique, en neurologie, etc.) et des réseaux thématiques (les RTRA et RTRS). En tant que P-DG de l’INSERM, dont le cœur de métier est la recherche en sciences de la vie et en santé, j’ai donc proposé que l’on crée une alliance informelle, reposant sur la bonne volonté de tous et ayant pour objectif de coordonner notre travail, au sein de chaque entité : le CNRS, le CEA (énergie atomique), l’INRA (agronomie), l’INRIA (numérique), l’Institut Pasteur, l’IRD (développement), la Conférence des présidents d’université (CPU) et la Conférence des directeurs généraux de CHRU. Depuis d’autres partenaires sont entrés dans l’alliance comme membres associés : l’Établissement français du sang, l’institut Curie, Unicancer, l’IRSN (radioprotection), mais aussi l’institut Télécom. »

• Une alliance en 10 ITMO

« Aviesan est organisé en 10 instituts thématiques multiorganismes (ITMO) dédiés à la génétique, génomique, bioinformatique, à la santé publique mais aussi aux neurosciences, au métabolisme et à la nutrition, au cancer, aux technologies pour la santé et aux maladies infectieuses. Le but est d’éviter toute duplication : ainsi, par exemple, le directeur de l’ITMO Cancer est le directeur de la recherche de l’INCa, de même que le directeur de l’ITMO Microbiologie et maladies infectieuses est, par définition, celui de l’ANRS (sida et hépatites). Les directeurs d’instituts ont élu un président avec un bureau qui se réunit tous les 15 jours. Il s’agit d’un travail quotidien qui, in fine, bénéficie aux chercheurs même si cela ne correspond pas à un budget particulier. »

• Une stratégie locale

« L’alliance a, tout d’abord, des capacités d’analyse stratégique. Auparavant, chaque organisme définissait ses priorités en lien avec les universités – l’INSERM, en particulier, n’ayant pas de laboratoires propres. Maintenant que les universités sont autonomes, nous devons d’autant plus privilégier les politiques de site. Nous rencontrons, localement, avec le CNRS (et s’il le faut avec les autres organismes), les présidents d’université, les doyens, les directeurs de CHU, les présidents de région et les responsables des collectivités locales afin de définir des priorités et de faire converger tous nos moyens. Le plan stratégique élaboré par Aviesan a servi de base pour les demandes de projets dans le cadre des investissements d’avenir. Il a également permis de proposer, dans chaque ITMO, un état des lieux par discipline et de définir les grandes orientations au sein de chaque champ disciplinaire couvert par l’Alliance. C’est une première en France. Le rôle d’Aviesan, c’est aussi de préparer chaque année la programmation que mettra en œuvre l’Agence nationale de la recherche (ANR). »

• Une réactivité aux urgences sanitaires

« Aviesan permet de mobiliser rapidement tous les acteurs concernés en cas d’urgences sanitaires. En 2006, alors que nous étions confrontés à une épidémie de chikungunya à La Réunion, le ministre a été contraint de nommer, en urgence, un référent chikungunya afin de coordonner la recherche des organismes : nous étions alors une trentaine de directeurs d’organismes et d’agences sanitaires autour de la table. En mai 2009, lors de l’émergence de la grippe H1N1, en moins de 24 heures, nous avions réuni les trois ITMO concernés (Microbiologie et maladies infectieuses, Santé publique et Technologies pour la santé) et rassemblé tous les experts du domaine : virologues, épidémiologistes, cliniciens, mais aussi les industriels du médicament, des vaccins, des tests diagnostiques. Aujourd’hui, nous avons une vision précise des labos existants, indépendamment de leur organisme d’attachement. »

• Des procédures simplifiées

« Afin de faciliter les partenariats avec les industriels de santé qui étaient souvent désorientés face aux multiples interlocuteurs d’un laboratoire mixte, Aviesan vient de mettre en place une charte du mandataire unique. Nous avons créé un comité, Covalliance, qui permet de réunir régulièrement tous les responsables de la valorisation. À côté des sociétés d’accélération de transfert technologique (SATT), qui seront des structures de valorisation régionale au contact des universités (dans le cadre des investissements d’avenir), le gouvernement souhaite mettre en place des consortiums de valorisation thématique (CVT) : il est clair que, pour moi, le CVT en sciences de la vie et de la santé, c’est Covalliance. Je pense qu’Aviesan a déjà contribué à augmenter les financements de R&D de la part des industriels. Dans le même esprit de simplification, nous venons d’ouvrir un portail afin de permettre aux acteurs de la recherche d’identifier les principales bases de données en santé publique disponibles en France, qu’elles soient issues du secteur public ou privé (epidemiologie-france.fr). Les contrats hospitaliers de recherche translationnelle, financés par la direction générale de l’Offre de soins (DGOS), s’adressent désormais directement aux chercheurs des organismes membres de l’Aviesan. Concernant les jeunes chercheurs que nous voulons accueillir au meilleur niveau, nous avons décidé de réunir deux programmes qui étaient quasiment identiques au CNRS (Atip) et à l’INSERM (Avenir). Et nous voulons aller plus loin en créant des procédures communes pour les recrutements au niveau des commissions des deux organismes. Au niveau européen, nous accompagnons également les candidats au programme européen du European Research cCouncil (ERC) et nous avons des résultats remarquables sur le nombre de bourses obtenues, ce qui est un critère de la qualité de la recherche biomédicale française. »

• L’animation scientifique

« En France, chacun des ITMO organise des colloques annuels qui permettent de faire le point sur les recherches en cours. Par exemple, l’ITMO Bases moléculaires et structurales du vivant s’est dernièrement interrogé sur l’avenir de la biologie synthétique en France. Ces rendez-vous ont un énorme succès. À l’avenir, nous souhaitons qu’Aviesan devienne la référence en matière d’information du public pour la recherche. Nous sommes aujourd’hui sollicités au titre d’Aviesan : j’ai, dans ce cadre, été auditionné à l’occasion de la révision de la loi bioéthique par l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et par la commission spéciale du Sénat pour relayer la demande des chercheurs d’une autorisation encadrée de la recherche sur l’embryon. Nous avions été également entendus par l’Union européenne lors de l’élaboration de la directive européenne du 22 septembre 2010 sur l’expérimentation animale. Enfin, notre prochain rendez-vous est le 15 juin : nous organisons une première rencontre Aviesan à Bruxelles. Ce sera notamment l’occasion de démontrer que nous sommes devenus une force de proposition pour les enjeux de la recherche européenne. »

> PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANIE HASENDAHL
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8980