La réponse des cellules T serait un meilleur marqueur prédictif de la protection contre le Sars-CoV-2 que le taux d'anticorps, chez les patients avec ou sans cancer. C'est ce que suggère une étude coordonnée par la Pr Laurence Zitvogel à Gustave Roussy et publiée dans « Cancer Discovery ». Ces observations ouvrent des pistes pour améliorer les vaccins face aux nouveaux variants.
Dans ce travail mené à partir de prélèvements sanguins réalisés chez des sujets avec ou sans cancer, les chercheurs démontrent, à l'aide de plusieurs expérimentations in vitro, que la polarité et la spécificité des cellules T sont corrélées à la susceptibilité à l'infection lors des vagues suivantes.
« Nos données suggèrent qu'il devrait y avoir une plus grande attention à la surveillance des réponses des cellules T à long terme plutôt qu'à celles des taux d'anticorps, qui ne sont fiables que sur une courte durée après la vaccination », explique la Pr Zitvogel.
Pour leurs analyses, les scientifiques ont étudié les réponses des cellules T au Sars-CoV-2 de 383 patients infectés ayant un cancer ou non et ont suivi de façon prospective 203 patients n'ayant pas contracté le virus afin de comprendre la polarité et le répertoire peptidique des cellules T conférant une résistance à l'infection. Pour cela, les chercheurs ont utilisé deux cohortes de patients avec cancer (période pré-Covid et période Covid) et trois de sujets sains (période pré-Covid et période Covid), incluant deux cohortes de vaccinés, ayant un cancer (Oncovid) ou pas (CoV3-APHP).
Dans leurs analyses, le type de cytokines produites par les cellules T mémoire, c'est-à-dire la polarité, était associé à la protection contre l'infection. Le relargage d'IL-2 reflète l'activité des cellules T Th1, tandis que celui d'IL-5 celle des cellules T Th2. L'équipe a ainsi évalué pour chaque patient la proportion de cellules Th1 et Th2. Un déséquilibre entre les Th1 et les Th2 (ratio IL-2/IL-5 < 1) était associé à une susceptibilité plus importante à l'infection, quel que soit le statut pour le cancer.
La réactivité au domaine RBD
De plus, les chercheurs ont fait une découverte très intéressante : les sujets infectés, que ce soit avant ou après vaccination ou qu'il s'agisse d'une réinfection, ne réagissent pas avec le domaine de fixation au récepteur appelé RBD (Receptor Binding Domain), en dépit d'une réponse immunitaire dirigée contre d'autres régions du génome viral. Conclusion des auteurs : le manque de réactivité vis-à-vis du RBD est un facteur de susceptibilité à l'infection. Il serait même possible que la réactivité des cellules T au RBD conditionne l'évolution de la protéine Spike, contribuant ainsi à l'émergence de nouveaux variants.
Une autre observation semble confirmer le rôle du RBD dans la susceptibilité à l'infection. En analysant la réponse des cellules après vaccination, les chercheurs ont constaté qu'elle était variable, bien plus faible chez les patients ayant un cancer hématologique par rapport à ceux ayant un cancer solide ou aux sujets sains. Or, seulement 10 % des patients avec un cancer du sang présentaient des cellules T réactives au RBD, quand ils étaient 49 % pour les sujets sains et 34 % pour les patients ayant un cancer solide.
Des pistes pour adapter les vaccins
Enfin, l'équipe a constaté que la réponse cellulaire T induite par les vaccins contre la souche originelle ne présente qu'une faible réaction croisée avec le RBD des variants Alpha, Bêta et Delta. « Cela explique sans doute pourquoi le variant Omicron se répand actuellement parmi les vaccinés, suggère la Pr Zitvogel. Les vaccins disponibles ont été développés contre le RBD de la souche originelle, et pas contre les séquences mutées des variants. »
Ces résultats, outre le fait de renforcer la recommandation des doses de rappel pour les patients ayant un cancer hématologique, pointent des voies à explorer pour optimiser le développement de nouveaux vaccins. « Pour une plus grande efficacité, la prochaine génération de vaccins devrait entraîner des réponses cellulaires T contre le RBD de la protéine Spike des variants émergents », suggère l'oncologue de Gustave Roussy.
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