Covid-19 : un réseau se met en place pour le suivi de l’épidémie par les eaux usées

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Publié le 07/07/2020
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Crédit photo : Phanie

Plébiscité par l'Académie de médecine, le projet d’Observatoire épidémiologique dans les eaux usées (Obépine) pour suivre la dynamique de l’épidémie de Covid-19 en temps réel prend de l’ampleur. Le ministère de la Recherche a adressé en fin de semaine dernière une lettre de mission aux porteurs de ce projet pour la création d’un réseau de surveillance « sentinelle » autour de 150 stations d’épuration sur l’ensemble du territoire.

L’idée est de permettre par des prélèvements réguliers dans les stations d’épuration (deux par semaine) afin de suivre l’évolution de la charge virale présente dans les eaux usées et d’anticiper la reprise de l’épidémie de Covid-19 à une échelle locale.

« À l’instar de la surveillance dans les eaux usées des virus de la poliomyélite, il est possible de détecter et de quantifier par qRT-PCR des acides nucléiques inactivés du SARS-CoV-2 dans des échantillons d’eaux usées prélevées dans des stations d’épuration desservant des centaines de milliers de foyers », souligne l'Académie, dans un communiqué, publié ce jour, rappelant que la démarche a été initiée dans des agglomérations de plusieurs pays (États-Unis, Espagne, Pays-Bas, Luxembourg, Italie). L’approche se veut complémentaire de la stratégie de dépistage.

Une détection précoce de la reprise de l'épidémie

La lettre de mission « est un acte fondateur, se réjouit, auprès du « Quotidien », le Pr Vincent Maréchal, virologue à Sorbonne Université, qui a participé au lancement du projet. Cette étape importante clarifie le rôle de chacun des acteurs impliqués, notamment sur la propriété des données qui revient à Obépine et non aux gestionnaires des stations d’épuration ».

Initié, dès le début de l’épidémie en France, par le laboratoire de la régie municipale Eau de Paris, trois équipes de Sorbonne Université (mathématique, virologie, hydrologie) et l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), le projet Obépine a fait la démonstration de l’intérêt d’une détection de la charge virale dans les eaux usées pour suivre la dynamique épidémique. « Cette qualification s’est révélée, pour le cas particulier de l’agglomération parisienne, précoce et proportionnée à l’afflux de malades dans les hôpitaux lors du premier pic épidémique », souligne le ministère de la Recherche dans un communiqué.

Après un avis favorable du Comité Analyse Recherche et Expertise (CARE), qui conseille les autorités, le projet avait reçu une première enveloppe de 500 000 euros de la part du ministère. Rejoint depuis par des équipes des universités de Lorraine et de Clermont-Auvergne, mais aussi de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), des stations d’épuration (avec des opérateurs aussi bien publics que privés) et les six Agences de l’eau, le projet va bénéficier d’un nouveau financement maximum de 3 millions d’euros.

Une articulation manquante avec le ministère de la Santé

Ce soutien doit permettre de mettre en place un démonstrateur opérationnel dès l’automne 2020. Un rapport sur les performances, les améliorations à apporter et les difficultés rencontrées, attendu pour fin septembre, permettra, explique le ministère, « d’apprécier l’opportunité et les conditions de la mise en place d’un réseau pérenne d’alerte et de surveillance dans un contexte où les avis scientifiques s’accordent sur l’éventualité d’une résurgence de la pandémie de Covid-19 dès cette année et sur la possibilité de vagues saisonnières ».

Sur le terrain, plusieurs questions restent à résoudre. Concernant le déploiement du réseau sur le territoire, « les relais locaux, que ce soient les élus ou les préfets, sont encore à préciser », indique le Pr Vincent Maréchal. Un autre point porte sur l’articulation d’Obépine avec les services du ministère de la Santé. « Pour l’heure, nous n’avons toujours pas de contact désigné au sein du ministère de la Santé, s’inquiète le virologue. Une coordination reste à définir pour l’analyse des résultats qui vont remonter, leur mise en forme et l’interaction avec les autorités de santé pour affiner les analyses ».

La création d’un réseau de 150 stations d’épuration constitue tout de même un test grandeur nature pour la mise en place d’une approche possible pour le suivi d’autres pathologies infectieuses. « Beaucoup de pathogènes se retrouvent dans les eaux usées, mais l’analyse microbiologique (virologique, bactériologique, parasitologique) des eaux usées n’a encore jamais été utilisée pour évaluer l’état sanitaire d’une population », souligne le Pr Vincent Maréchal, qui projette la constitution de banques d’échantillons de prélèvements congelés. Dans le cas du Covid-19, de telles banques d’échantillons « auraient pu permettre de remonter dans le temps pour savoir quand le virus est arrivé sur le territoire », détaille le chercheur.

L'Académie soutient cette idée de détecter rétrospectivement tout nouveau virus et agent pathogène via les eaux usées et recommande par ailleurs d'élargir la surveillance systématique à d’autres virus (myxovirus, rotavirus, virus respiratoire syncitial...). 


Source : lequotidiendumedecin.fr