Dans le camp de Fauché, les consultations s’enchaînent

Publié le 22/03/2010
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LA COMMUNE de Fauché près de Grand Goave, appartient au département de l’Ouest, le plus touché par le séisme, avec plus de 220 000 morts, dont 90 % à Port au Prince, 310 102 blessés, plus de 32 000 déplacés et plus d’1 million de personnes installés dans des camps d’hébergements spontanés. Le long de la nationale 2, les regroupements de tentes sont bien visibles avec leur pancarte demandant de l’aide («  Please Help »). Le camp de Fauché compte environ 250 personnes – certains camps en comptent plus de 3 000. « Juste après le séisme, près de 400 personnes logeaient ici », affirme le pasteur Paul Roland, responsable adjoint du camp. Les destructions ont été nombreuses. « Les gens étaient aux abois », explique-t-il. Le pasteur Pascal Macphery, le chef du camp, a alors décidé de les regrouper sur son terrain. « Il a fait un emprunt d’environ 7 000 euros », raconte Paul Roland, de quoi équiper le camp et acheter de la nourriture. Les tentes petites, oranges et grises, sont espacées, rangées autour d’une maison en construction dans laquelle s’affairent des ouvriers. Des toilettes recouvertes de tôle ont été placées à l’écart : « il faut se laver les mains après », préviennent les enfants. Une citerne de récupération de l’eau et deux bacs munis de robinets, le permet. Visiblement, l’ordre et la discipline règnent ici. « Nous demandons aux gens d’être responsables, d’éviter de faire trop de bruit et en cas de conflit, nous tentons de le résoudre », explique Paul Roland. Ce sont eux, les responsables du camp, qui ont demandé l’aide de GAMAH. « Nous avons reçu des dons de médicaments mais nous n’avons pas de médecins », expliquent-ils. Ce sera la première intervention de l’équipe. Les médicaments sont rangés dans la maison en construction, des antibiotiques et des anti-inflammatoires surtout.

Sous la cabane en paille.

Au centre du camp, devant une grande cabane de bois et de paille, un lutrin et des bancs, les patients attendent déjà sagement. Les consultations se feront dans la maison de bois. Plusieurs familles semblent y vivre. Edith Eliacin explique qu’au lendemain du séisme, elle s’est installée là. Sa maison a complètement été détruite. Elle a eu le temps de sortir. Son mari, lui, est mort : il n’a pas voulu partir, malgré ses suppliques. L’équipe s’installe. Annie, Brigitte et Anne-Marie placent les médicaments et commencent à les ranger. Lucile a choisi le coin le plus discret pour assurer les consultations gynécologiques tandis que Jean-Jo, le sage, s’est mis à l’écart derrière sous un arbre. Emmanuel Plossan, un jeune médecin haïtien qui a fait ses études à Cuba et qui, depuis son retour le 20 janvier, assure bénévolement les consultations de Paillant, les a accompagnés.

Pendant cinq heures, les consultations vont s’enchaîner, une trentaine de patients par médecin. Des volontaires se proposeront spontanément pour faire les traductions créole-français. L’ambiance est bon enfant mais sérieuse. Le Dr Christian Grégoire, 64 ans, est à l’aise. C’est pourtant sa première mission. « J’ai pris ma retraite pour cela. Je voulais faire de la médecine humanitaire, pour me consacrer aux gens qui ont besoin de soins et qui n’y ont pas accès », avoue-t-il. Même s’il ne s’attendait pas à cette manière d’exercer la médecine, « sur des lits de camp ou des bancs avec du matériel rudimentaire », il s’adapte. Prend le temps d’écouter les patients. « Je suis touché par la gentillesse des gens. Les enfants sont aimés, les personnes âgées ne sont pas écartées. ». Toutes les générations sont là autour de la maison. Les bancs de la salle d’attente semblent ne jamais devoir se libérer.

Le Dr Françoise Darnaudet, homéopathe, a apporté une petite valise de médicaments, composée avec les conseils de l’association Homéopathie sans frontières, qu’elle a appelée avant de partir. Ses prescriptions mêlent médicaments conventionnels et homéopathie. Les patients semblent accepter volontiers. Ils viennent pour des ruptures de traitement, du diabète par exemple, des douleurs articulaires ou du dos. Les suspicions de paludisme sont nombreuses, la petite saison des pluies a commencé. « Nous pensions traumatismes mais c’est la pathologie courante qui continue », fait remarquer Jean-Jo.

Mesci Revolus a 19 ans, sa maison s’est effondrée alors qu’il y était seul. Il a été hospitalisé 22 jours sur le bâteau-hôpital américain qui mouillait au large de Grand Goave. Il vient pour les pansements des greffes de peau du pied droit et du pied gauche.

À l’issue de cette première journée, l’équipe promet de revenir. Jean-Jo freine un peu l’enthousiasme de ceux qui ont émis le souhait d’aller aider dans les autres camps. « Nous ne devons pas agir sans l’autorisation des autorités locales et aller sur tout ce qui bouge », fait-il remarquer. La discussion fera l’objet du briefing/débriefing du matin. Déjà se profilent d’autres opérations dans des zones enclavées des Nippes, à plaisance du sud, zone de Petit trou des Nippes et zone de l’Azile. Le préjet (délégué) a sollicité leur collaboration.

DEMAIN : UN HÔPITAL DANS LA TOURMENTE

 Dr L. A.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8734