Les centres mémoire de ressources et de recherches

De l’éthique à la thérapeutique

Publié le 09/06/2011
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LES CMRR sont des structures régionales qui ont plusieurs missions principales. La première d’entre elles est de coordonner le dispositif régional de prise en charge diagnostique et thérapeutique de la maladie d’Alzheimer, en liaison avec les consultations mémoire de proximité (la région Île-de-France compte quelque 45 consultations mémoire). Elles sont toutes rattachées aux CMRR qui sont partenaires de l’Agence Régionale de Santé (ARS) pour les labelliser. « Outre ce rôle de consultation mémoire de proximité pour notre secteur, notre CMRR est aussi une structure de recours pour les cas complexes et difficiles. En effet, nous sommes un centre de ressources disposant d’une expertise cognitive et d’examens complémentaires de pointe, comme les IRM de haut champ, recherche de marqueurs dans le liquide céphalo-rachidien, SPECT, PET-scan, etc. », souligne le Pr Dubois.

Autre mission des CMRR : l’élaboration d’une réflexion éthique au niveau de la région. Et enfin, l’une des plus importantes, la recherche, d’autant que les CMRR sont tous rattachés à une ou plusieurs unités de recherches. « La force du site de la Pitié-Salpêtrière est d’ailleurs de disposer de telles unités de recherche, à la fois en clinique, mais aussi en neuroimagerie, en protéomique, en génétique, etc. Nous avons tout le potentiel nécessaire pour faire de la recherche clinique autour du patient et c’est vraiment primordial étant donné que ce dernier est le seul détenteur du secret de sa maladie. Ainsi, la recherche clinique est irremplaçable, même si bien sûr, la recherche fondamentale est aussi importante. Or cette recherche clinique ne se fait pas dans les structures de soins classiques qui ont pour vocation de soigner, selon une approche le plus souvent individuelle. Pour que la recherche puisse avancer, une approche diagnostique et thérapeutique, s’appuyant sur des outils standardisés, est impérative. C’est ainsi que l’on obtient des bases de données, que l’on valide les procédures, etc. En retour, le patient en tire aussi bénéfice car il peut alors entrer dans des protocoles thérapeutiques innovants » explique le Pr Dubois.

Bientôt, une interface entre médecine hospitalière et médecine de ville.

Pour que la recherche clinique puisse se faire dans de bonnes conditions, la médecine de ville doit y être associée. « Nous avons donc eu l’idée de créer cette interface, par l’intermédiaire d’un réseau de ville déjà existant (le réseau Aloïs). Pour atteindre cet objectif, nous souhaitons mettre en place une plateforme d’information qui serait à la fois partie intégrante du réseau Aloïs et de l’Institut de la mémoire et de l’Alzheimer. Cette plateforme disposerait d’une équipe constituée d’un neurologue et d’un attaché de recherche clinique, qui se partagerait entre les deux sites et à qui pourraient être adressés des patients dont le diagnostic est complexe ou encore, susceptibles de bénéficier d’un protocole thérapeutique », précise le Pr Dubois.

Ainsi, il s’agirait bien d’une plateforme d’informations sur les protocoles de recherche ou thérapeutiques, mais garantissant au médecin de ville ayant adressé son malade, que ce sera bien lui qui continuera à le suivre, notamment en relayant l’information et en se chargeant de l’application du protocole retenu. « Il est très important que les médecins de ville soient partenaires de ce projet sur lequel nous travaillons actuellement et qui devrait se concrétiser d’ici septembre, précise le Pr Dubois. Comme nous sommes également un institut hospitalo-universitaire (IHU), statut qui nous donne une dimension supplémentaire sur le plan national mais aussi international, notre mission est de tout mettre en œuvre pour faire avancer la recherche dans la connaissance de ces maladies nouvelles. Si nous sommes réactifs, si nous travaillons tous ensemble, le potentiel à développer dans le bassin parisien, est considérable ».

Des CMRR très actifs et qui travaillent ensemble.

A côté de la recherche clinique, la recherche pharmacologique est tout aussi importante. « Nous avons eu une première petite vague de médicaments symptomatiques, dont l’efficacité est limitée. Aujourd’hui, on arrive à la deuxième vague de médicaments qui agissent sur le processus pathologique lui-même et qui laissent espérer des résultats beaucoup plus puissants », rappelle le Pr Dubois. Et la recherche thérapeutique non pharmacologique n’est pas non plus en reste, avec l’implication de certains CMRR du sud de la France, dans des essais de stimulation cognitive ou de prévention par l’activité physique.

Ainsi, tous les CMRR travaillent de concert. Ils sont d’ailleurs reliés par une Fédération nationale qui permet de partager des projets de recherche communs comme en neuroimagerie (initiée à partir de l’étude Hippocampe du CMRR de la Pitié-Salpêtrière). Le réseau national de neuroimagerie ainsi créé s’est depuis transformé en réseau institutionnel dans le cadre du plan Alzheimer, avec le Centre automatisé de traitement de l’image (CATI). Il existe également plusieurs programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) qui s’appuient sur ce réseau de CMRR (en génétique, dans les biomarqueurs, dans la neuroimagerie, etc.). Enfin, une cohorte nationale doit encore être mise en place dans le cadre du plan Alzheimer (cohorte Memento) : elle va réunir une grande partie des CMRR. La dynamique est belle et bien lancée, il n’y a plus qu’à en attendre les résultats concrets !

D’après un entretien avec le Pr Bruno Dubois, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, entre autres coordinateur du CMRR Ile-de-France Sud (Pitié-Salpêtrière) et directeur de l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer (Pitié-Salpêtrière).

> Dr NATHALIE SZAPIRO

Source : Bilan spécialistes