L’étude FOURIER

Des réponses et des questions

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Publié le 04/04/2017
réponses et questions

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Crédit photo : Phanie

Cet essai thérapeutique contrôlé de phase 3, conduit en double aveugle contre placebo avait pour objectif d’évaluer si l’évolocumab en injection sous-cutanée (SC) tous les 15 ou 30 jours chez des patients à risque cardiovasculaire (CV) élevé peut réduire le risque de mortalité CV, d’infarctus du myocarde (IDM), d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d’hospitalisation pour angor instable ou de revascularisation.

L’évolucumab est un anticorps monoclonal 100 % humanisé, anti-PCSK9. Il pouvait être prescrit à deux doses différentes contre l’équivalent placebo : à 140 mg en injection SC toutes les 2 semaines, et chez certains patients à 420 mg en une injection SC tous les mois.

Les 27 564 patients inclus étaient en prévention CV secondaire, défini par une maladie coronaire et/ou une maladie cérébrovasculaire et/ou une artérite des membres inférieurs, et ayant un taux plasmatique de LDL cholestérol restant supérieur à 0,70 g/l sous statine. À l’inclusion, ils avaient une valeur médiane de LDL de 0,92 g/l.

Le critère primaire était composé de la mortalité CV, des IDM, des AVC et des hospitalisations pour angor instable ou revascularisation. Le principal critère secondaire comprenait les décès CV, les IDM et les AVC et l’étude devait être conduite jusqu’à ce que 1 630 événements de ce critère soient survenus.

Sous traitement, le LDL a diminué de 59 % pour atteindre en valeur médiane 0,30 g/l. Le suivi moyen a été de 2,2 ans, au terme desquels il y a eu significativement moins d’événements du critère primaire dans le groupe sous évolocumab (1 344 événements ; 9,8 %) que sous placebo (1 563 événements ; 11,3 % ; HR : 0,85 ; IC95 % : 0,79-0,92 ; p < 0,001). Il y a eu significativement moins d’événements du principal critère secondaire (816 événements soit 5,9 % sous évolocumab vs 1 013 événements soit 7,4 % sous placebo ; HR : 0,80 ; IC95 % : 0,73-0,88 ; p < 0,001).

Il y a eu une diminution significative des IDM (3,4 % vs 4,6 % ; HR : 0,73 ; IC95 % : 0,65-0,82 ; p < 0,001) et des AVC (1,5 % vs 1,9 % ; HR : 0,79 ; IC95 % : 0,66-0,95 ; p = 0,01) mais pas de la mortalité totale (3,2 % vs 3,1 % ; HR : 1,04 ; IC95 % : 0,91-1,19 ; p = 0,54) ni de la mortalité CV (1,8 % vs 1,7 % ; HR : 1,05 ; IC95 % : 0,88-1,25 ; p = 0,62).

Les résultats ont été concordants dans l’ensemble des sous-groupes analysés et notamment dans le sous-groupe de patients du quartile le plus bas de LDL sous traitement. La tolérance a été bonne, sans augmentation de l’incidence du diabète. Il n’y a pas eu de différence dans l’évolution des fonctions cognitives sous traitement et/ou lorsque le LDL-c a été diminué en dessous de 0,25 g/l d’après les résultats de l’étude complémentaire EBBINGHAUS.

Les enseignements

Le premier enseignement est que les anti-PCSK9, tout au moins l’évolocumab, permettent de réduire les événements cardiovasculaires majeurs : ils rejoignent ainsi le petit groupe des traitements hypolipémiants apportant un bénéfice clinique, groupe qui ne comprenait jusqu’ici que les statines et l’ézétimibe.

Le deuxième enseignement est majeur : il y a un bénéfice cardiovasculaire, sans risque spécifique, à diminuer le LDL-c à des valeurs aussi basses que 0,30 g/l, voire en dessous de 0,25 g/l. Ceci a au moins deux corollaires :

- l’hypothèse lipidique de la maladie athérothrombotique ne repose plus sur l’unique bénéfice enregistré avec les statines et peut donc être considérée comme validée ;

- les seuils et cibles lipidiques d’intervention thérapeutique ne peuvent plus être admis comme des objectifs du traitement : ce qui devient essentiel, c’est de traiter un risque cardiovasculaire, quel que soit le niveau de LDL de base, avec un traitement au bénéfice validé, quel que soit le niveau de LDL atteint.

Les questions

Une première question importante est : faut-il considérer l’absence de réduction de la mortalité cardiovasculaire et/ou totale comme ayant une explication statistique ou comme une limite du traitement et/ou de l’atteinte de niveau très bas de LDL-c ? Il est en effet possible sinon probable que l’absence de diminution de la mortalité CV soit la conséquence des taux très bas de mortalité par IDM (0,22 % en 2 ans) et AVC (0,24 % en 2  ans) dans l’étude, ayant peu de probabilité d’influencer la mortalité cardiovasculaire (1,7 % en 2 ans) et totale (3,1 % en 2 ans). Il est toutefois aussi possible que le traitement évalué n’ait pas d’influence sur la mortalité CV et/ou qu’il soit difficile de la diminuer lorsque le LDL est très bas.

Une autre question importante est relative au prix du traitement dont il est envisagé qu’il puisse être de l’ordre de 400 à 600 euros par mois. Ceci rend difficile de pouvoir juger dès à présent, d’une part, quelles indications et/ou restrictions d’utilisation seront proposées en cas de mise sur le marché, et d’autre part, quelle sera la place à accorder à ce traitement dans la stratégie thérapeutique : en sus des statines et/ou de l’ézétimibe ? En place des statines uniquement en cas d’intolérance et donc en sus ou en place de l’ézétimibe ? Dans un objectif d’atteinte d’une cible de LDL ou quel que soit le LDL dès lors que le risque cardiovasculaire est élevé avec ou sans statine ?

Clinique Villette, Dunkerque
Sabatine M et al. Evolocumab and clinical outcomes in patients with cardiovascular disease. NEJM 17 mars 2017. DOI : 10.1 056/NEJMoa1701488

Dr François Diévart

Source : lequotidiendumedecin.fr