Comment parvenir à soulager efficacement les douleurs neuropathiques chroniques post-accident vasculaire cérébral (AVC) ou de type membre fantôme après amputation ? Alors que la stimulation cérébrale profonde, utilisée dans la maladie de Parkinson, est l'une des pistes explorées, des chercheurs américains apportent des éléments nouveaux en identifiant, pour la première fois, des biomarqueurs intracrâniens neuronaux prédictifs de la douleur. Un premier pas dans l'objectif de moduler l'activité cérébrale à visée antalgique à l'aide de nouvelles technologies.
Les résultats sont publiés dans « Nature Neuroscience ». L'étude, soutenue par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH), s'inscrit dans le cadre de deux grands projets contre la douleur, en réponse à la meurtrière crise des opiacés que les États-Unis traversent ces dernières décennies. Il s'agit des initiatives Brain (pour Brain Research through Advancing Innovative Neurotechnologies) et Heal (pour Helping to End Addiction Long term). Pour Walter Koroshetz, directeur de l'institut américain spécialisé dans les troubles neurologiques, c'est l'espoir d'arriver vers des traitements efficaces « non addictifs ».
Enregistrement de l'activité cérébrale sur plusieurs mois
« Le bénéfice le plus immédiat sera d'éclairer les études en cours Heal et Brain pour utiliser la stimulation cérébrale profonde pour traiter la douleur chronique », est-il souligné dans un communiqué des NIH. Ces résultats préliminaires obtenus chez quatre personnes - trois avec des douleurs post-AVC et une avec des douleurs fantômes - ouvrent un nouveau champ de recherche.
Jusque-là, la douleur chronique était évaluée par des autoquestionnaires mesurant l'intensité et l'impact émotionnel. Ici, l'équipe coordonnée par le Dr Prasad Shirvalkar (Université de Californie, San Francisco) a enregistré l'activité cérébrale des patients à leur domicile sur plusieurs mois. Deux régions étaient ciblées : le cortex cingulaire antérieur (CCA) et le cortex orbitofrontal (COF).
« Les études d'imagerie fonctionnelle par IRM montrent que les régions cérébrales du CCA et du COG s'allument au cours des douleurs aiguës, explique le Dr Shirvalkar, neurochirurgien spécialiste de la douleur. Nous avons cherché à savoir si ces régions jouent aussi un rôle sur la façon dont le cerveau traite la douleur chronique. Et en particulier comment la douleur change au fil du temps et quels signaux cérébraux correspondent à un haut niveau de douleur chronique ou permettent de le prédire. »
Le cortex orbitofrontal, une région clé
Les quatre patients ont eu une implantation chirurgicale d'électrodes au sein du CCA et du COF. Plusieurs fois par jour, chaque participant devait répondre à des questions relatives à comment ils coteraient la douleur ressentie pour l'intensité, le type et l'impact émotionnel. Plus ils pouvaient lancer un enregistrement cérébral en cliquant sur un bouton du dispositif afin de fournir un instantané de l'activité dans ces deux régions à ce moment précis. Avec des analyses de machine learning, l'équipe a pu identifier l'activité dans le COF pour prédire le niveau de douleur.
Dans une autre étude, les chercheurs ont analysé comment le CCA et le COF réagissaient à la douleur aiguë, qui était provoquée par l'application de chaleur sur des zones corporelles. Chez deux des quatre participants, l'activité cérébrale pouvait prédire le niveau douloureux, mais là, le CCA est apparu comme la région la plus impliquée. Ce qui suggère que le cerveau traite différemment la douleur aiguë de celle chronique, même si ces observations sont à confirmer sur un plus grand nombre de participants.
Des travaux supplémentaires seront déterminants pour confirmer l'activité du COF dans différents types de douleur chronique. « La douleur est l'une des expériences les plus fondamentales qu'un organisme puisse avoir, souligne le Dr Shirvalkar. Pourtant, il nous reste tant de choses à comprendre sur comment la douleur se produit. En développant de meilleurs outils pour étudier et potentiellement modifier les réponses douloureuses dans le cerveau, nous espérons mettre à disposition des options pour les personnes concernées. »
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