Élargissement du dépistage du VIH

Feu vert pour les tests rapides « hors les murs »

Publié le 19/11/2010
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« NOUS SOMMES vraiment contents, car pour une fois, il semble y avoir une logique », se réjouit Bruno Spire, président d’Aides, association qui entend agir pour transformer la société en matière de lutte contre le sida. « Des remontées de terrain nous avaient alertés sur le besoin de diversifier le dépistage, nous l’avons exprimé puis nous l’avons transformé en une question de recherche, ce qui nous a conduits à rechercher des partenariats, notamment avec l’ANRS. Grâce à tout cela, nous avons pu faire bouger les lignes sur la question du dépistage. »

Voilà quatre ans presque jour pour jour que les associations, au cours d’une journée organisée par Sidaction, ont demandé à la ministre de la Santé d’autoriser le recours aux tests rapides hors des lieux habituels de dépistage. Cette possibilité leur a été accordée d’abord, à titre expérimental, dans le cadre d’une recherche biomédicale. L’arrêté publié au « Journal officiel » du 17 novembre officialise une utilisation de ces tests, dits tests rapides à orientation diagnostique, « hors les murs » et par des non-professionnels.

Populations exposées.

Les résultats, présentés lors de la Conférence internationale de Vienne, de l’étude COM’TEST, un projet ANRS-Aides sur la faisabilité de ce type de dépistage communautaire, ont été décisifs. « La prévalence de l’infection est de 3 % pour les sujets de l’étude COM’TEST, contre 2 % chez les gays qui vont dans les CDAG (Centres de dépistage anonyme et gratuit). Le taux de CD4 au moment du diagnostic est également plus élevé pour ceux ont bénéficié du dépistage communautaire, ce qui suggère qu’on arrive à toucher des personnes qui sont infectées depuis moins longtemps. De plus, dans l’étude COM’Test, un tiers de ceux qui se sont fait dépister n’avaient pas fait de test depuis deux ans, alors qu’il s’agit d’une population hautement exposée », poursuit Bruno Spire.

Conformément au plan de lutte contre le sida publié il y a deux semaines, l’objectif est d’élargir l’offre de dépistage. Le recours aux tests rapides doit « permettre aux populations les plus exposées au risque de transmission du VIH ou les plus isolées par rapport au système de soins, un accès facilité et renouvelé à la connaissance de son statut sérologique », précise l’arrêté. Ceci vise à faciliter « l’adaptation des stratégies préventives de chacun en fonction de la connaissance actualisée de son statut sérologique et de celle de ses partenaires », de même que « l’entrée et l’accompagnement dans une démarche de soins la plus précoce possible pour les personnes découvrant leur séropositivité au VIH ». L’arrêté souligne aussi que, compte tenu de leur facilité d’emploi, l’intérêt des tests réside dans leur utilisation « hors les murs » et à des horaires diurnes ou nocturnes « en vue d’aller au devant des populations les plus éloignées d’une offre traditionnelle de dépistage ou de celles qui n’y ont pas recours ».

En dehors des situations d’urgence, qui ont fait l’objet d’un précédent arrêté (28 mai 2010), les tests rapides peuvent être réalisés « chez toute personne, dans son intérêt et pour son seul bénéfice, après l’avoir informée et avoir recueilli son consentement libre et éclairé ». Les non-professionnels de santé, salariés ou bénévoles intervenant dans une structure de prévention ou une structure associative, sont désormais autorisés à les réaliser, à condition d’avoir préalablement suivi une formation et à condition que la structure dispose de l’habilitation nécessaire. Le texte précise en annexe les modalités de cette formation à l’utilisation des tests de même que les conditions d’habilitation.

Une convention pour 3 ans.

Les professionnels de santé peuvent réaliser ces tests rapides, que ce soit : un médecin exerçant en cabinet libéral ; un médecin, un biologiste médical, une sage-femme exerçant dans un établissement ou dans un service de santé ; un infirmier ou un technicien de laboratoire exerçant dans un établissement ou dans un service de santé, sous la responsabilité d’un médecin ou d’un biologiste médical. Les professionnels de santé, médecin, biologiste médical, sage-femme ou infirmier qui interviennent dans une structure de prévention ou une structure associative impliquée en matière de prévention sanitaire, sont aussi habilités à la condition que la structure où ils exercent dispose de l’habilitation nécessaire. La convention d’habilitation doit être conclue entre la personne morale ou le responsable de la structure de prévention ou associative et le directeur de l’ARS (Agence régionale de santé) pour une durée de trois ans.

En cas de tests rapides positifs, un diagnostic biologique doit être réalisé au moyen d’un réactif, revêtu du marquage CE, utilisant une technique ELISA à lecture objective de détection combinée des anticorps anti-VIH 1 et 2 et de l’antigène p24 du VIH 1. L’arrêté stipule que les structures habilitées à réaliser les tests rapides devront, afin d’assurer une prise en charge adaptée, conclure des accords avec les CDAG, un ou plusieurs médecins de ville, un ou plusieurs laboratoires de biologie médicale, un ou plusieurs établissements de santé.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8859