Reste à mieux maîtriser les rejets

La greffe rénale est possible chez les porteurs du VIH

Publié le 18/11/2010
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Crédit photo : S Toubon

De notre correspondante

SI LES AVANCÉES réalisées dans le traitement de l’infection par le VIH au cours des 30 dernières années ont été spectaculaires, les connaissances sur la maladie rénale liée à cette infection n’ont pas progressé au même rythme. Elles sont en fait très limitées. Alors que l’incidence de l’insuffisance rénale terminale (IRT) continue de croître chez les patients contaminés, on ignore si la transplantation rénale est efficace et sûre chez eux.

De nombreuses questions se posent. Les patients infectés par le VIH peuvent-ils être traités sans risque par des immunosuppresseurs ? Peut-on donner simultanément des immunosuppresseurs et des antirétroviraux, avec des taux sanguins prévisibles, étant donné les interactions médicamenteuses complexes ? La néphropathie liée au VIH pourrait-elle récidiver dans le rein transplanté ? Enfin, est-il éthique de soustraire un rein du pool de donneurs lorsque l’efficacité et la sécurité de cette greffe chez les patients contaminés par le VIH n’ont pas été établies ? Stock et coll. publient, dans le « New England Journal of Medicine », les résultats d’une expérience multicentrique de transplantation rénale chez les patients infectés. Ils montrent la faisabilité de l’approche.

Virémie indécelable sous thérapie HAART.

Dans cette étude prospective, conduite entre 2003 et 2009 dans 19 hôpitaux américains, 150 patients infectés par le VIH, en insuffisance rénale terminale, ont bénéficié d’une transplantation rénale. Ces patients avaient un taux de cellules T CD4 supérieur ou égal à 200/mm3 et une virémie indécelable sous thérapie HAART stable, depuis au moins 16 mois avant la greffe.

Les survivants ont été suivis pendant une période moyenne de 1,7 an. Les résultats sont bons. Les taux de survie des patients sont de 94 % à 1 an et de 88 % à 3 ans. Les taux de survie des greffons sont de 90 % à 1 an et de 74 % à 3 ans. Ces valeurs sont intermédiaires entre celles rapportées dans la base de donnée nationale pour les receveurs de greffe rénale plus âgés (plus de 65 ans) et celles relevées chez tous les receveurs de greffe rénale.

Une analyse montre que le risque de perte du greffon est accru chez les patients qui sont traités pour un rejet (RR de 2,8) et chez ceux qui reçoivent une thérapie d’induction par globulines antithymocytes (RR de 2.5), tandis que le greffon issu d’un donneur vivant réduit légèrement ce risque (RR de 0,2).

Caractéristique d’un rejet agressif.

Un résultat est toutefois préoccupant. Le taux de rejet est bien plus élevé que prévu. Il est estimé à 31 % à 1 an et à 41 % à 3 ans, ce qui est de 2 à 3 fois plus élevé que le taux de rejet chez les patients non infectés par le VIH. La moitié de ces épisodes est résistante aux glucocorticoides, ce qui est caractéristique d’un rejet agressif. Plusieurs mécanismes potentiellement en cause sont examinés dans des études en cours.

En dehors de ce problème, l’infection par le VIH est restée sous contrôle chez les patients, avec des taux de cellules T CD4 stables et peu de complications associées au virus.

« La transplantation rénale apparaît possible chez les patients infectés par le VIH soigneusement sélectionnés, concluent donc les chercheurs. De meilleures stratégies pour minimiser le rejet et gérer les interactions médicamenteuses complexes sont nécessaires. Il faut continuer à explorer de meilleures approches de contrôle des infections chez les patients coïnfectés par le VHC. »

« Stock et coll. viennent de montrer que la transplantation peut considérablement améliorer la vie des patients présentant une infection par le VIH et une insuffisance rénale terminale », note dans un éditorial le Dr Lynda Anne Szczech (Duke University Medical Center, Durham, NC). La prochaine étape sera de développer des traitements efficaces pour toutes les maladies rénales liées au VIH avant qu’elles ne progressent vers l’insuffisance rénale terminale.

New England Journal of Medicine, 18 novembre 2011, Stock et coll., p 2004 et 2058.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8858