La mortalité liée au paludisme a chuté de 60 % mais les multirésistances à l’artémisinine inquiètent

Publié le 21/09/2015

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Dans un rapport publié la semaine dernière, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) se réjouissaient des progrès importants de la lutte contre le paludisme avec une mortalité en baisse de 60 %. Une étude française publiée dans la revue « Emerging Infectious Disease » apporte un bémol à ce bilan plutôt positif : « La multi-résistance aux traitements devient plus alarmante que jamais », prévient l’équipe de Françoise Benoit-Vical directrice de recherche INSERM au sein du Laboratoire de chimie de coordination du CNRS, en collaboration avec l’Institut Pasteur et l’INSERM.

6,2 millions de vies sauvées

« La lutte mondiale contre le paludisme est l’un des grands succès de la santé publique ces 15 dernières années », a déclaré le Dr Margaret Chan, directeur général de l’OMS, en présentant le rapport conjoint élaboré en collaboration avec l’UNICEF. Le rapport intitulé « Atteindre les objectifs du millénaire concernant le paludisme » (Achieving the Malaria Millennium Development Goal Target) montre en effet que la cible qui avait été définie en 2000 a été atteinte : « Avoir diminué de moitié et commencer à inverser la courbe d’incidence d’ici à 2015. » Le nombre de nouveaux cas a chuté de 37 % en 15 ans tandis que la mortalité diminuait de 60 %, soit quelque 6,2 millions de vies sauvées.

En mai dernier, l’assemblée générale de l’OMS à Genève a adopté une nouvelle stratégie pour les 15 années à venir, avec pour objectif une baisse de 40 % des cas pour 2020 et de 90 % pour 2030. L’OMS vise une élimination complète du paludisme dans 35 nouveaux pays en 15 ans.

Toutefois, préviennent l’OMS et l’UNICEF, ces nouveaux objectifs ne pourront être atteints que si les sommes allouées chaque année à la lutte contre le paludisme étaient multipliées par 3, passant de 2,7 milliards de dollars actuellement à 8,7 milliards en 2030. Entre 2000 et 2015, ces financements ont été multipliés par 20.

L’Afrique subsaharienne

Autre bémol. Le paludisme reste un lourd fardeau dans beaucoup de régions du monde avec 214 millions de nouveaux cas et 438 000 en 2015. L’Afrique subsaharienne est particulièrement touchée : 80 % des cas et 78 % des décès. Dans un article publié dans « Nature », des experts plaident fortement en faveur d’un élargissement de l’accès aux interventions de base. De nouvelles données montrent que les moustiquaires imprégnées d’insecticide « ont été de loin l’intervention la plus importante » dans toute l’Afrique en permettant de prévenir 68 % des cas de paludismes depuis 2000. Les pulvérisations intradomiciliaires à effet rémanent ont permis d’éviter respectivement 10 % alors que les traitements combinés à base d’artémisinine comptent pour 22 % de la baisse.

Résistance aux antipaludiques

L’article récent publié dans « Emerging Infectious Diseases » vient rappeler la nécessité de préserver l’efficacité des traitements. L’artémisinine en association avec d’autres antibiotiques est le traitement de référence de l’infection à Plasmodium falciparum. Des phénomènes de résistance à l’artémisinone sont déjà observés en Asie du Sud-Est. Françoise Benoit-Vical et coll. viennent de mettre en évidence un nouveau mécanisme de résistance ce qui serait une nouvelle menace pour la lutte contre le paludisme.

Les chercheurs viennent de montrer que les parasites qui subissent in vitro cinq années de pression médicamenteuse à la seule artémisinine développent une résistance généralisée à la plupart des autres antipaludiques dérivés ou non de l’artémisinine (chloroquine, sulfadoxine, pyriméthamine), y compris aux molécules comprises dans les combinaisons thérapeutiques. Surtout, cette résistance n’est pas liée à une mutation génétique mais à un nouveau mécanisme : les parasites échappent à la toxicité des médicaments en se mettant dans un état quiescent le temps de l’exposition au traitement. Aucun des tests actuellement disponibles ne permet de détecter une telle résistance. Pour les auteurs, il y a donc urgence à développer des outils adaptés. « Il est indispensable de vérifier sur le terrain, chez des patients, et à l’aide de tests adaptés, si ce phénomène de mise en sommeil, identifié in vitro, est présent », a indiqué Françoise Benoit-Vical.

Dr Lydia Archimède

Source : lequotidiendumedecin.fr