Les bactériophages sont des virus n'infectant que des bactéries. Ils sont présents dans l'environnement, là où les bactéries sont nombreuses, par exemple dans les égouts. Chaque bactériophage est spécifique d'une bactérie, voire d'une souche de bactérie. La phagothérapie consiste à traiter des infections bactériennes à l'aide de bactériophages.
Découverte dans les années 1920, la phagothérapie a presque disparu à l'arrivée des antibiotiques. Seuls certains pays de l'Est, comme la Pologne ou la Géorgie, ont continué à les utiliser. Actuellement, de nombreux patients en échec thérapeutique se rendent en Géorgie pour être traités par ces phages. En France, un seul laboratoire, Pherecydes Pharma, en produit. Pour la première fois dans notre pays, des cocktails de ces phages fabriqués dans l'Hexagone ont été administrés à titre compassionnel à deux patients atteints de sévères infections ostéoarticulaires. La procédure s'est effectuée en plusieurs phases. D'abord, les médecins ont isolé la souche bactérienne et l'ont envoyée à Pherecydes Pharma. Pherecydes a réalisé un phagogramme, afin de tester les bactériophages sur les bactéries. Le laboratoire a ensuite effectué la sélection d'un cocktail de bactériophages les plus actifs, qu'il a envoyé à l'hôpital de la Croix-Rousse. Le Dr Leboucher, pharmacien de l'établissement, l'a utilisé pour réaliser une préparation magistrale, ensuite administrée aux patients.
Deux patients traités à titre compassionnel
Le premier patient, âgé de 62 ans, était atteint d'un cancer du poumon évolutif. Traité pour des métastases osseuses par chimiothérapie, radiothérapie et cimentoplastie, il était atteint d'une infection de l'articulation sacro-iliaque par une bactérie Pseudomonas aeruginosa, hautement résistante aux antibiotiques. « Nous avons proposé une stratégie globale, à la fois chirurgicale, médicale et par phagothérapie », explique le Pr Tristan Ferry, infectiologue dans le service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital de la Croix-Rousse. Le patient a bénéficié d'un débridement chirurgical, d'un curetage et d'une administration de 10 ml de bactériophages en per-opératoire, directement au contact de l'os. Il est resté 4 heures sur le ventre pour laisser les phages agir, puis le traitement par phage a été renouvelé en chambre pendant 4 heures supplémentaires. En complément, la colistine, un antibiotique pour lequel la bactérie n'était pas résistante, a été administrée. Résultat : le patient a pu cicatriser correctement. Il est malheureusement décédé par la suite de son cancer du poumon.
La seconde patiente, âgée de 80 ans, souffrait d'une infection récidivante sur prothèse de hanche droite. Un écoulement purulent était apparu au niveau de la cicatrice et l'évolution était mauvaise sous antibiothérapie suppressive. Plusieurs bactéries, en particulier Staphylococcus aureus et Escherichia coli ont été retrouvées, ainsi qu'un Pseudomonas aeruginosa résistant. « Nous avons ouvert la cicatrice pour avoir accès à la prothèse, nous avons lavé la prothèse, puis nous avons administré les bactériophages avant de refermer, indique le Pr Ferry. À six mois du traitement, la cicatrice est impeccable, sans aucun écoulement. La patiente remarche avec un déambulateur et a pu retourner dans sa maison de retraite ».
Absence d'AMM, des ATU pour certains phages
Le principal frein à une utilisation plus large de la phagothérapie est l'absence d'AMM des phages. « Actuellement, les phages de Pherecydes peuvent faire l'objet d'Autorisations temporaires d'utilisation (ATU) pour des infections à P. aeruginosa ou E. coli, mais pas pour d'autres bactéries », souligne Guy-Charles Fanneau de la Horie, président du directoire de Pherecydes pharma. Des essais cliniques devraient prochainement être lancés. « Nous pourrions obtenir des AMM d'ici deux ou trois ans pour certains phages », espère-t-il.
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