Une alternative potentielle aux échanges plasmatiques

La piste de l'anti-recyclage des IGg contre les maladies auto-immunes

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Publié le 02/11/2017
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thrombocytopenia purpura

thrombocytopenia purpura
Crédit photo : PHANIE

Lutter contre le recyclage, l'accroche n'est pas très écolo… sauf parfois en médecine. Des chercheurs européens proposent de contrôler les immunoglobulines G (IgG) en excès dans les maladies auto-immunes (MAI) en inhibant leur recyclage à l'aide d'un nouvel anticorps monoclonal (AcMo) sélectif, le rozanolixizumab.

L'étude préliminaire publiée dans « Science Translational Medicine » est très encourageante. Le rozanolixizumab s'est révélé efficace, bien toléré et sans risque majoré d'infection chez le singe cynomolgus et les premières données de tolérance chez le sujet sain sont rassurantes.

L'approche innovante explorée par Peter Liessling et al. pourrait ainsi se révéler payante à l'avenir. Car s'il existe plusieurs options disponibles dans les MAI, aucune n'est parfaite « avec des effets secondaires, des problèmes d'accessibilité, un inconfort du patient et dans l'ensemble des implications de temps et d'argent », soulignent les auteurs.

Un Ac contre le récepteur « sauveteur » FcRn

Jusqu'à présent, il était question soit de réduire la production d'autoanticorps via l'immunosuppression, les corticostéroïdes en particulier (ou d'autres agents de 2e ligne), soit d'en augmenter l'élimination, les échanges plasmatiques étant le traitement de référence devant l'immunoadsorption et les Ig immunomodulatrices.

Les chercheurs ont fait le pari qu'il pourrait être moins délétère de cibler de façon spécifique le recyclage cellulaire. L'idée avait cours depuis plus d'une dizaine d'années, depuis la découverte de l'importance du recyclage pour les IgG. Les IgG et l'albumine sont les seules à avoir des demi-vies aussi longues, de l'ordre de 3 à 4 semaines, et ce, grâce au récepteur FcRn qui les sauve de la dégradation lysosomale intracellulaire et qui recycle l'endosome ainsi trié vers la surface de la cellule. Il a même été estimé que le pool d'IgG lié au recyclage était 42 % plus important que celui lié à la production. Le rozanolixizumab (ou IgG4P) est un anticorps dirigé contre le FcRn 

Le rozanolixizumab s'est révélé plutôt bien toléré en phase I chez des sujets sains (n = 49), 36 ayant reçu la molécule dans 6 cohortes (1, 4 ou 7 mg/kg, voie SC ou IV) et les 13 autres un placebo. Aucun effet indésirable dangereux n'a été observé. Des effets indésirables sévères ont été rapportés chez 4 personnes pour le dosage le plus élevé (mal de dos, céphalées). La plupart des effets secondaires étaient d'intensité légère à modérée, les plus fréquents étant des céphalées, des nausées et des vomissements. Il semble que le mode d'administration sous-cutané, même à des doses élevées, soit mieux toléré que la voie IV.

Une phase II en cours

Le rozanolixizumab présente plusieurs avantages potentiels : contrairement aux échanges plasmatiques, il ne diminue pas la circulation ni des IgA ni des IgM, et n'expose pas à des produits sanguins, et il semble être mieux toléré que les agents immunosuppresseurs.

Quant au risque infectieux, les chercheurs écrivent n'avoir pas observé de changement des taux des anticorps spécifiques générés par immunisation (grippe, tétanos), ce qui est rassurant quant à un risque augmenté d'infection lié à un statut vaccinal compromis. De plus, le rozanolixizumab n'a pas eu d'effet sur les cellules B et T, ce qui suggère que la molécule n'affecterait pas la capacité de l'organisme à se défendre via la production d'anticorps vis-à-vis de nouveaux agents infectieux.

Chez les sujets sains, le rozanolixizumab a pu diminué jusqu'à 50 % la concentration des IgG, « ce qui est très similaire aux 50 à 60 % de réduction après les échanges plasmatiques », écrivent les auteurs. Les réductions maximales sont observées à 7-10 jours, pour revenir à l'état de base au 57e jour. Si le profil de tolérance du dosage chez les sujets sains semble l'écarter le dosages le plus élevé en IV, il est possible qu'il en soit autrement chez les sujets malades, poursuivent-ils. Une étude de phase II utilisant la voie SC est actuellement en cours chez les patients atteints de myasthénie et de purpura thrombopénique idiopathique. 

 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9615