La prise de certains anticholinergiques est associée à un surrisque de démence

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Publié le 26/04/2018
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Crédit photo : S. Toubon

Les anticholinergiques utilisés comme antidépresseurs, antiparkinsoniens, ou comme traitement de l’incontinence urinaire sont associés à un surrisque de démence, même quand ils sont pris jusqu’à 20 ans avant le début des symptômes. C’est ce que vient de montrer une étude observationnelle britannique, dont les résultats sont parus dans le « British Medical Journal ».

Cette étude est la plus large et la plus détaillée de ce type. Les auteurs ont analysé les dossiers médicaux de 40 770 patients de 65 à 99 ans atteints de démence, et les ont comparés à ceux de 283 933 personnes ne présentant pas de démence. Plus de 27 millions de prescriptions ont ainsi été analysées, les auteurs ayant recensé les anticholinergiques prescrits entre 20 et 4 ans avant le diagnostic de démence. Pendant la période d’exposition, les cinq médicaments les plus prescrits étaient l’amitriptyline (29 %), la dosulépine (16 %), la paroxétine (8 %), l’oxybutynine (7 %) et la toltérodine (7 %).

Tous les anticholinergiques ne se valent pas

Les anticholinergiques sont connus pour augmenter le risque de chutes, de perte de mémoire et de troubles cognitifs chez les personnes âgées fragiles. Ils sont souvent prescrits pour des pathologies chroniques et donc potentiellement à long terme. Mais cette étude va plus loin. « Nous avons observé que les personnes démentes présentaient plus de 30 % de probabilité supplémentaire d’avoir été exposées à des classes spécifiques d’anticholinergiques », souligne le Dr George Savva, qui a conduit l’étude. Et l’association avec la démence augmente avec l’exposition à ces médicaments. » En revanche, si l’association était observée avec les anticholinergiques utilisés comme antidépresseurs, antiparkinsoniens, ou comme traitement de l’incontinence urinaire, ce n’était pas le cas pour les anticholinergiques utilisés dans les troubles gastro-intestinaux ni respiratoires.

Conséquences pour les cliniciens

Les auteurs ont envisagé plusieurs limites possibles à leur étude. Ils suggèrent ainsi qu’une causalité inverse pourrait être en cause (si les anticholinergiques sont prescrits pour des symptômes très précoces de démence). Mais comme les prescriptions remontent jusqu’à 20 ans plus tôt, cela suggère que cela n’est probablement pas le cas, avancent-ils. Les auteurs d’un éditorial associé sont du même avis et saluent l’équipe d’avoir choisi de ne pas prendre en compte les 4 années précédant le diagnostic.

Les chercheurs ont aussi envisagé le sous-diagnostic (notoirement connu) de la démence, qui réduirait l’effet estimé (les contrôles ayant été sous-diagnostiqués). Et à l’inverse, ils ont estimé qu’il était possible que les patients auxquels des anticholinergiques avaient été prescrits soient plus surveillés (et donc plus diagnostiqués) que les autres. « Mais cet effet serait observé pour toutes les classes de médicaments », tempèrent-ils.

Cette étude ne démontre pas de rapport de causalité entre la prise d’anticholinergiques et la survenue d’une démence mais « ses résultats suggèrent que nous devrions privilégier des alternatives plus sûres, longtemps avant que les symptômes de la démence n’apparaissent », indique le Dr Noll Campbell, coauteur. « Même si l’association est modérée, étant donnée la forte incidence de la démence, le risque pour les patients est important », ajoute le Pr Chris Fox, autre coauteur. Les médecins devraient prendre en compte le risque à long terme ainsi que les classes d’anticholinergiques, et pas seulement le risque à court terme. Des recherches supplémentaires sont cependant nécessaires pour comprendre les raisons de ce lien. » Dans l'éditorial, les Prs Shelly L. Gray et Joseph T. Hanlon insistent aussi sur le fait que « des alternatives pharmacologiques ou non pharmacologiques sont disponibles pour les médicaments à l’effet le plus anticholinergique et qu'elles devraient être envisagées. »


Source : lequotidiendumedecin.fr