Chez des sujets à risque faible ou intermédiaire

L'aspirine n'a aucun bénéfice en prévention primaire

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Publié le 17/09/2018
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aspirine

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

C'est un coup de canif de plus au rêve de la polypill, cette association tout-en-un d'hypertenseurs, de statine et d'aspirine à faible dose censée diminuer le risque cardio-vasculaire en prévention primaire chez le tout venant âgé de plus de 55 ans.

Car contrairement à ce qui était espéré, l'aspirine n'a pas été à la hauteur des espérances dans deux larges études randomisées en double aveugle : l’étude ARRIVE chez 12 546 sujets dans « The Lancet » et l'étude ASPREE chez 19 114 sujets âgés dans « The New England Journal of Medicine ».

Santé cardio-vasculaire et mortalité toutes causes

Aucune des deux n'a montré de bénéfice en prévention primaire, la première sur un critère composite (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde, angor instable, accident vasculaire cérébral ischémique, accident ischémique transitoire) et la seconde sur la mortalité toutes causes. L'étude ASPREE montre même une augmentation significative du risque d'hémorragie grave chez les sujets âgés.

« Toutes les études concordent, confirme le Pr Martine Gilard, présidente de la Société Française de Cardiologie (SFC). Ces deux belles études bien conduites sur de très gros effectifs répondent par la négative à la question de l'aspirine chez les sujets à risque faible ».

Actuellement, il est bien établi que l'aspirine est recommandée en prévention secondaire des maladies coronaires et cérébrovasculaires. Les bénéfices sont étayés par plus de 200 études totalisant plus de 200 000 patients, est-il rappelé dans « The Lancet ».

En prévention primaire, les choses étaient moins claires. Après six larges études clefs positives avant 2005, les résultats se sont révélés moins probants dans des études plus récentes. De plus, le risque hémorragique lié à l'aspirine était mal cerné, comprenant des événements fréquents mais peu graves à type de « bleus » faciles et d'épistaxis, mais aussi d'hémorragies gastro-intestinales et d'accidents vasculaires hémorragiques graves.

Un risque hémorragique significatif

L'objectif de l'étude ASPREE était de tester l'intérêt de l'aspirine chez les sujets à faible risque âgés de plus de 70 ans, car le risque vasculaire est majoré du fait de l'âge ; celui d'ARRIVE l'était chez des sujets à risque intermédiaire âgés ≥ 55 ans pour les hommes et ≥ 60 ans chez les femmes.

Dans ASPREE, menée en Australie (n = 16 703) et aux États-Unis (n = 2411), les patients présentaient un risque faible à modéré : au total 31 % présentaient 0 ou 1 facteur de risque (FDR), 42 % 2 FDR et 28 % 3 ou 4 FDR. Dans l'essai international ARRIVE (6 pays européens et États-Unis), les patients diabétiques étaient exclus. Les participants, plus jeunes, fumaient davantage (30 %) et étaient moins dyslipidémiques et un peu moins hypertendus.

L'étude ASPREE conclut à une mortalité toutes causes augmentée dans le groupe aspirine dans un volet, et à l'absence d'augmentation de la survie sans handicap dans un deuxième. Côté tolérance, s'il n'y avait pas plus d'événements secondaires dans ARRIVE, le risque hémorragique était significativement augmenté dans ASPREE chez les sujets âgés.

Du cas par cas pour les sujets à haut risque 

Un résultat d'ASPREE a de quoi surprendre. La mortalité toutes causes était augmentée, et principalement aux dépens de la mortalité par cancer alors que l'aspirine était associée par le passé à une prolongation de l'espérance de vie. « Ce résultat était inattendu et devrait être interprété avec prudence », écrivent les auteurs. « Il est probable que l'aspirine ait révélé des cancers à travers les saignements », estime quant à elle Martine Gilard.

Pour la cardiologue française, la question de l'aspirine en prévention primaire n'est pas tranchée chez les sujets à haut risque et/ou diabétiques. « Il est clair que l'aspirine n'est pas recommandée de manière générale, poursuit-elle. Cela ne veut pas dire qu'il faille être dogmatique et ne jamais en donner. La décision doit être prise au cas par cas en fonction du contrôle du diabète, du niveau de risque et de la survie ». 

 

EXERGUE possible : "La décision (de prescrire de l'aspirine) doit être prise au cas par cas en fonction du contrôle du diabète, du niveau de risque et de la survie"

 

 

 

 


Source : Le Quotidien du médecin: 9686