L'athérosclérose présente chez la moitié des 40-54 ans sans facteur de risque cardiovasculaire… Faut-il s'en soucier ?

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Publié le 14/12/2017
athérosclérose

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Crédit photo : PHANIE

Une tension basse, une glycémie faible et un taux de cholestérol dans la norme suffisent-ils à garantir des artères saines ? Une étude publiée dans le « JACC » montre des signes d'athérosclérose chez la moitié d'un groupe de volontaires sans facteur de risque cardiovasculaire classique (tension normale, pas de tabagisme, et faible taux de LDL-Cholestérol).

Pour les auteurs espagnols de l'étude, du centre national espagnol de recherche cardiovasculaire Carlos III (CNIC), le constat est sans appel : « Ces résultats soutiennent l'idée d'une prévention primaire de la santé cardiovasculaire par l'abaissement des niveaux de LDL-cholestérol, y compris chez les individus considérés comme ayant un niveau de risque optimal », concluent-ils.

La prévention primaire des patients en bonne santé est un vaste débat, et les experts contactés par « le Quotidien » ne partagent pas nécessairement l'avis des chercheurs du CNIC. Ainsi le Pr Jean Ferrière, de l'unité de prévention de l'athérosclérose du CHU Rangueil juge que « les patients de cette étude ne sont pas des patients qu'il faut effrayer ou à qui il faut prescrire des statines », estime-t-il comme en témoigne un travail qu'il a dirigé cette année et publié dans le « Canadian Journal of Cardiology » (voir encadré).

Que faire de l'imagerie ?

L'étude du « JACC », a porté sur 1 779 personnes, dont la pression artérielle est inférieure à 140/90 mm Hg sans traitement, leur glycémie est inférieure à 126 mg/dL et leur LDL cholestérol inférieur à 160 mg/dL. Au sein de ce groupe, les auteurs ont isolé 740 patients « optimaux », dont la pression artérielle est inférieure à 120/80 mm Hg (une limite plus faible que celle préconisée par l'AHA, pourtant récemment revue à la baisse), une glycémie inférieure à 100 mg/dL et un taux de cholestérol total inférieur à 200 mg/dL. La moitié (49,7 %) des participants présentaient des signes de calcification, visibles à l'échographie. C'était également le cas de près de 30 % des patients « optimaux ».

C'est toute la question de la signification à associer aux données de l'imagerie qui est soulevée par ces résultats. Les auteurs définissent une plaque d'athérome par la présence d'une protrusion de plus de 0,5 mm dans la lumière de l'artère, ou dont la taille représente plus de la moitié de l'épaisseur de l'intima. Des critères qui interpellent le Pr Ferrières. « On ne parle de maladie carotidienne qu'au-delà d'une obstruction de 30 % de la lumière, estime-t-il. Les auteurs décrivent des plaques intrapariétales qu'on ne mentionne même pas après l'examen. »

Le Dr de Lorgeril (médecin, épidémiologiste et chercheur CNRS dans l'équipe « Cœur et Nutrition » du « TIMC-IMAG » à l'université Grenoble Alpes) est également sceptique. « On voit tous les jours, chez une très grande majorité de nos patients, des images avec des supposées anomalies vasculaires qui apparaissent avec l'âge comme un manque d'élasticité ou un épaississement, explique-t-il, mais cela n'est pas nécessairement un signe de développement d'une pathologie cardiovasculaire. On ne soigne pas des images, mais des patients avec des symptômes. »

Un débat toujours vivace

L'importance donnée au LDL-cholestérol dans la prévention primaire fait l'objet d'une controverse. Derrière l'âge et le sexe masculin, le taux de cholestérol constitue le 3e facteur de risque indépendant relevé par les auteurs. Pour chaque 10 mg/dL supplémentaire, on observe un surrisque de 14 à 18 % d'athérosclérose. Le Dr Michel de Lorgeril, qui porte un regard très critique sur l'utilisation du cholestérol comme marqueur de risque cardiovasculaire, tire un enseignement inverse de celui des auteurs : « Si des patients avec un taux de cholestérol faible présentent des signes d'athérosclérose, c'est que le cholestérol n'est pas un bon marqueur de risque, où en tout cas beaucoup moins bon que le diabète, le tabac, l'insuffisance rénale ou un mode de vie délétère », estime-t-il.

Le Pr Ferrière, partisan revendiqué des statines et du rôle central du cholestérol, juge, lui aussi, que d'autres facteurs de risque sont à prendre en compte. « Avant de savoir si le LDL est trop élevé, en prévention primaire, on doit se poser la question d'autres facteurs majeurs comme le mode de vie, la situation sociale et l'éducation, résume-t-il. En Angleterre, on identifie le code postal pour évaluer les facteurs de risque sociaux ou l'exposition aux polluants ! »

Des dizaines de milliers de décès évités par une modification des modes de vie

Le respect des recommandations européennes en matière de règles hyginéo diététique suffit à diviser par 3 le risque de décès de cause cardiovasculaire, et par 2 le risque de décès toutes causes. C'est ce qui ressort d'une étude menée par le Pr Jean Ferrière sur 1 311 patients en bonne santé le Pr Jean Ferrière et ses collègues du CHU de Toulouse et de l'Institut Pasteur de Lille. Extrapolé à la population française une amélioration des modes de vie permettrait d'éviter 90 702 décès cardio-vasculaires et 419 020 décès toutes causes sur une période de 18 ans.


Source : lequotidiendumedecin.fr