350 ans après dans un cercueil de plomb à Rennes

Le corps « intact » d’une dame du XVIIe siècle

Publié le 08/06/2015
Article réservé aux abonnés
L'autopsie a été réalisée à l'institut médicolégal de Toulouse,

L'autopsie a été réalisée à l'institut médicolégal de Toulouse,
Crédit photo : INRAP

En fouillant le site du Couvent des Jacobins, à Rennes, là où doit être construit un centre des congrès, les archéologues savaient qu’ils allaient mettre à jour des centaines de sépultures, car il avait été un important lieu de pèlerinage et d’inhumation entre le 15e et le 18e. En revanche, la découverte d’un corps, et non d’un squelette, dans un état de conservation « exceptionnel », plus de 350 ans après le décès, a été une grande surprise. Et une première en France. Son étude est riche d’enseignements, notamment dans le domaine médical.

Deux ans de fouilles

Pendant deux ans, des fouilles, prescrites par l’État sur le site du Couvent des Jacobins, à Rennes, ont permis à l’équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) de Bretagne de mettre à jour environ 800 sépultures. Depuis l’achèvement de ces fouilles, il y a deux ans, les études se poursuivent. En mars dernier, au milieu de ces sépultures, cinq cercueils de plomb sont découverts. Accompagnés de cinq reliquaires de plomb, qui renferment un cœur, ils constituent un ensemble unique en Europe. Mais, si quatre d’entre eux, dégagés dans le chœur de l’église, ont livré des squelettes relativement bien conservés, dont certains présentent un crâne et une cage thoracique sciés, le cinquième, trouvé lui au pied d’un mur d’une chapelle, a révélé une découverte exceptionnelle.

« Très vite, lorsque nous avons ouvert le sarcophage, nous avons vu qu’il y avait un volume, pas qu’un squelette, raconte Rozenn Colleter, archéo-anthropologue à l’INRAP de Bretagne. Dès le lendemain, nous prenions contact avec le laboratoire d’anthropologie moléculaire et imagerie de synthèse du CNRS à Toulouse puis avec le Dr Fabrice Dedouit, médecin légiste au CHU de Toulouse. Le surlendemain, un scanner de l’intégralité de la dépouille puis une autopsie pouvaient être réalisés. Grâce à cette coopération, nous avons pu aller très vite pour éviter la dégradation d’un corps. » Le corps de Louise de Quengo, d’une famille de la très haute noblesse, se révèle « presque intact ». Des médecins estiment que son état est comparable à celui d’un cadavre qui aurait une ou deux semaines... Ce personnage est pourtant décédé en 1656. C’est dire l’efficacité du cercueil de plomb. Une aubaine pour les chercheurs. « Le prélèvement de tissus humains sans contamination environnementale est une opportunité rare en archéologie », souligne Rozenn Colleter.

Aorte ligaturée

Déjà, les premières investigations livrent leur lot de connaissances. « Dès le scanner, nous avons vu que le cerveau était très bien conservé, précise l’archéo-anthropologue. Nous avons vu aussi que la défunte avait déjà été ouverte, une couture en croix sur son ventre étant visible. En ouvrant, on a pu constater combien les barbiers - les chirurgiens de l’époque - maîtrisaient la technique ; l’aorte et les vaisseaux pulmonaires ont été ligaturés », explique l’archéo-anthropologue.

Les pratiques funéraires de cette période vont désormais être mieux connues. Il se pourrait que la science puisse profiter également de cette découverte unique. Notamment par l’étude de l’ADN des pathogènes en cours. « Une meilleure connaissance de l’évolution des micro-organismes du 17e jusqu’à nos jours devrait être possible, espère la chercheuse rennaise. Les signes d’une infection pulmonaire pourraient révéler une tuberculose. De nouveaux moyens thérapeutiques à partir du génome de la tuberculose qui n’a pas muté seront peut-être trouvés...  »

De notre correspondant Olivier Quarante

Source : Le Quotidien du Médecin: 9418