Les bactéries résistantes aux carbapénèmes : un phénomène complexe qui reste rare

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Publié le 22/01/2020
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Crédit photo : Phanie

Les entérobactéries résistantes aux antibiotiques de la classe des carbapénèmes (telles qu’Escherichia coli) sont considérées comme des pathogènes « critiques » par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Des chercheurs de l'Institut Pasteur ont tenté de comprendre comment apparaissaient de telles résistances. Dans un article publié dans « Genome Medicine », ils concluent qu'un grand nombre de conditions sont nécessaires pour voir émerger ce genre de résistance, ce qui en fait un phénomène rare.

Les chercheurs ont travaillé à partir des souches provenant du laboratoire du Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques de l’hôpital Bicêtre (AP-HP), et de toutes les séquences génomiques disponibles sur Internet dans les banques de données publiques pour avoir une vision mondiale de la situation. Les auteurs ont séquencé le génome de 2 026 isolats de bactéries E. coli contenant des séquences codant pour la carbapénèmase OXA-181 (qui confère la résistance aux carbapénèmes). Ils ont ensuite reconstitué l'arbre phylogénique de 19 souches produisant des carbapénèmases.

Si l’acquisition d’un gène de carbapénèmase peut être sporadique chez certaines souches, elle survient souvent chez des souches d’ores et déjà multirésistantes et à la suite de mutations spécifiques diminuant la sensibilité des bactéries aux bêtalactamines – famille d’antibiotiques dont font partie les carbapénèmes et des dérivés de la pénicilline.

Une séquence d'événements peu courante

Ainsi, pour 13 souches, l'acquisition du gène codant pour la production de carbapénèmase est survenue dans des lignées déjà multirésistantes caractérisées par la combinaison d'une mutation du gène ftsI codant pour une protéine procurant une résistance à la pénicilline et les gènes ompC et ompF, codant pour la porine. Ces deux mutations étaient un préalable nécessaire à l'apparition d'une mutation produisant un carbapénèmase.

Dans le même temps, les chercheurs ont constaté, dans la lignée pandémique de E. coli ST131 résistante aux carbapénèmes, qu'il n'y avait jamais d'association entre cette mutation ST131 et les mutations ompC ou ftsl. Ils en concluent que ces bactéries n’ont pas, pour le moment, de prédisposition à devenir multirésistantes. Enfin, les chercheurs ont mis en évidence que les mutations susceptibles de rendre les bactéries moins sensibles aux antibiotiques pouvaient s’échanger entre les souches, tout comme les gènes de résistance.

« Les lignées résistantes aux carbapénèmes ont commencé à se répandre de manière globale, mais leur sélection est un processus en plusieurs étapes impliquant des mutations et recombinaisons », ce qui en fait un événement « plutôt rare et compliqué », résument les chercheurs.

« Si les résultats de nos recherches sont assez rassurants quant à la dissémination de souches résistantes de E. coli, ils montrent aussi que certaines bêtalactamines peuvent contribuer à sélectionner des souches résistantes aux carbapénèmes, indique Philippe Glaser, responsable de l’équipe écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques de l’institut Pasteur et du CNRS. Par ailleurs, il existe un risque de voir émerger des souches multirésistantes qui puissent disséminer dans la population. Il faut donc en tenir compte dans l’usage des antibiotiques, et dans la surveillance réalisée par le Centre national de référence, en collaboration avec Santé publique France », conclut Philippe Glaser, responsable de l’équipe écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques de l’Institut Pasteur et du CNRS.


Source : lequotidiendumedecin.fr