Maladies du vieillissement

L’espoir des sénolytiques, un appel pour des essais cliniques

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Publié le 11/09/2017
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Crédit photo : PHANIE

Avec le vieillissement, viennent les maux. Si certains individus sont mieux lotis que d’autres, il n’en reste pas moins que l’incidence des maladies chroniques dégénératives (diabète, maladies cardiovasculaires, cancers, maladies neurodégénératives, arthrose, ostéoporose…) s’élève de façon exponentielle après 65 ans. Le vieillissement prédispose en outre au déclin fonctionnel, physique et cognitif.

La science pourrait-elle changer cette fatalité ? De vifs espoirs se portent sur les sénolytiques, des agents pouvant détruire les cellules sénescentes qui s’accumulent avec l’âge. Kirkland et coll., des chercheurs de la Mayo Clinic à Rochester, et du Scripps Research Institute en Floride, publient un article de synthèse sur les sénolytiques dans le « Journal of the American Geriatrics Society ».
« Le répertoire émergent des médicaments sénolytiques semble avoir un impact sur une vaste gamme de maladies, note dans un communiqué le Dr James Kirkland, directeur du centre Kogod sur le vieillissement à la Mayo Clinic. Nous espérons que nous obtiendrons chez les humains le même succès observé dans les modèles animaux précliniques, avec l’objectif de prévenir ou retarder les affections liées au vieillissement. »

Mais qu’est-ce que la sénescence cellulaire ? Divers stress (lésion ADN, oxydatif, inflammatoire) déclenchent ce programme au sein des cellules qui deviennent alors « sénescentes » : elles arrêtent de se diviser ; deviennent résistantes à l’apoptose (mort cellulaire programmée) ; et développent souvent un phénotype avec sécrétion de molécules inflammatoires (SASP). Si ces cellules sénescentes contribuent à la réparation normale des tissus, elles peuvent aussi provoquer la sénescence des cellules voisines et leur accumulation dans les tissus jouerait un rôle majeur dans le vieillissement et les maladies liées à l’âge.

Identifiés en 2015 

Les premiers sénolytiques, identifiés en 2015 par les chercheurs de la Mayo Clinic et du Scripps Research Institute, ont été le dasatinib, un anticancéreux, et la quercétine, un flavonoide ; en bithérapie, ils prolongent la bonne santé des souris vieillissantes. D’autres sénolytiques ont été découverts depuis, notamment le navitoclax, et un peptide lié au facteur de transcription FOXO4.

Dans une étude publiée dans « Nature Communication », les chercheurs de la Mayo Clinic et du Scripps Research Institute rapportent avoir développé une plateforme de dépistage pour identifier des agents « sénothérapeutiques ». Cette plateforme leur a permis de découvrir de multiples agents anti-sénescents qui prolongent la santé dans des modèles animaux, dont deux inhibiteurs HSP90. « À présent, nous disposons d’une série de composés qui devraient être encore plus efficaces que ceux de l’étude », souligne dans un communiqué le Pr Paul Robbins (Scripps Institute) qui a dirigé ce travail.

Jusqu’ici, les sénolytiques sont apparus bénéfiques dans plusieurs modèles murins d’affections liées à l’âge, tels que des troubles cardiovasculaires, la faiblesse, l’ostéoporose, la dégénérescence discale intervertébrale, et les troubles séquellaires post-radio ou chimiothérapie. Certains agissent mieux sur des cellules spécifiques ou affections particulières. Leurs effets secondaires potentiels devront être mieux étudiés, cependant ils ont l’avantage d’être efficaces en bref traitement, ce qui autoriserait une administration intermittente.

Les futurs essais cliniques

Certains composés sont près d’être testés en clinique chez l’homme. Kirkland et coll. évoquent plusieurs scénarios d’essais qui évalueraient par exemple s’ils peuvent : soulager simultanément plusieurs comorbidités ; améliorer des maladies potentiellement fatales, telles la fibrose pulmonaire idiopathique ou la cholangite sclérosante primitive ; traiter des affections liées à une accumulation locale de cellules sénescentes comme dans l’arthrose ou des maladies de la rétine ; traiter des états de vieillissement accéléré (post-chimiothérapie, infection VIH, obésité, syndromes génétiques) ; améliorer la résistance physiologique au stress (chirurgie, radiochimiothéraie, infection, ou infarctus…) ; ou prévenir la faiblesse.

« Nous avons progressé rapidement au cours de ces dernières années, et il semble de plus en plus clair que les médicaments sénolytiques, y compris les inhibiteurs HSP90 récemment découverts, ont un impact sur une vaste gamme de maladies », souligne le Dr Kirkland. Et les chercheurs de conclure : « Si les sénolytiques se révèlent efficaces et sûrs dans les essais cliniques, ils pourraient transformer la médecine gériatrique en permettant de prévenir ou de traiter en parallèle de multiples maladies et déficits fonctionnels. »

Journal of the American Geriatrics Society 4 septembre 2017, Kirkland et coll. ; Nature Communications 4 septembre 2017, Fuhrmann-Stroissnigg et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9600