À Mayotte, renforcer le soin et développer la prévention, sont des priorités, alerte Santé publique France

Par
Publié le 01/11/2017
Article réservé aux abonnés

Santé publique France (SPF) alerte sur la nécessité de renforcer et de pérenniser l'offre de soins à Mayotte, et de développer la prévention et l'éducation à la santé pour répondre aux immenses défis sanitaires auxquels fait face le 101e département français, dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») du 31 octobre.

Les travaux de la délégation territoriale océan Indien (Cire-OI) de SPF, mise en place dans le cadre de la stratégie de santé gouvernementale, lancée en 2016 pour répondre à un rapport alarmant de la Cour des comptes de 2014, donne la mesure de ces défis de santé publique. 

Typhoïde, leptospirose et paludisme endémiques 

L'île de Mayotte, où sévit précarité et insalubrité, où la moitié de la population a moins de 20 ans, a été confrontée en 2016 à des cas de fièvres typhoïdes, de paludisme, ainsi qu'à une épidémie de leptospirose. 

Entre 2011 et 2016, une trentaine de cas de fièvre typhoïde ont été observés à Mayotte chaque année, relate l'article de Youssouf Hassani et coll. L'incidence est repartie à la hausse en 2015 et 2016, et les six premiers mois de 2017 affichent déjà 26 cas dans le nord de l'île (Koungou et Longoni), la première source de contamination ayant été repérée dans une cour dont le point d'eau potable jouxte des latrines communes, la douche, et le coin vaisselle, sans qu'il y ait de dispositif d'assainissement ni de gestion des eaux usées. 

Les difficultés d'accès à l'eau potable ont aussi été responsables début 2017 – période où l'eau a été rationnée, en raison d'une saison des pluies tardive – d'une augmentation de plus de 4 % des consultations pour diarrhées, dans le centre et le sud de l'île. 

Le paludisme, endémique dans l'archipel des Comores, est en voie d'élimination depuis 2011, et l'incidence globale annuelle est passée de 3 cas pour 1 000 habitants en 2007 à 0,05 cas en 2015. Mais 10 nouveaux cas dont 8 autochtones (et deux importés des Comores) sont survenus en 2016 dans l'ancien foyer de Bandraboua (nord de l'île), lit-on dans un article d’Olivier Maillard (CHU de la Réunion, Inserm CIC 1 410), et coll. Il s'agit d'hommes jeunes travaillant dans le secteur agricole, et habitant un village de « gratte », dans la forêt, à l'écart des zones urbaines. Le vecteur suspecté est le moustique Anopheles funestus. Et les auteurs d'appeler à considérer le risque de réémergence du paludisme sur une île où la densité de population ne cesse de croître, dans un contexte social délétère. 

Quant à la leptospirose, Mayotte a connu une épidémie de grande ampleur de janvier à avril 2016 (saison de pluies particulièrement abondantes), et au total, 152 cas autochtones et 3 cas importés sur l'année. Les victimes étaient pour les trois quarts des hommes, de trente ans, agriculteurs ou éleveurs, mais aussi 26 % d'enfants et 19 % de femmes, avec, comme point commun, la marche pieds nus et une exposition à l'eau de rivières, marécages, ou flaques de boue. Le sérogroupe prédominant reste le Mini, atypique (alors que le sérogroupe Icterohaemorrhagiae est le plus fréquent en métropole et à la Réunion). 

Une offre de soins en tension

Face à ces risques sanitaires, les équipes de Santé publique France insistent sur la nécessité de développer la prévention, à travers des interventions qui ne relèvent pas forcément du champ sanitaire, comme l'accès à l'eau potable et à l'assainissement, mais aussi à travers l'éducation à l'hygiène, à la vaccination, aux dépistages. SPF salue en ce sens le travail du réseau de dépistage des cancers de Mayotte (Rédéca) dont la campagne de dépistage du cancer du col de l'utérus a atteint un taux de couverture de 39 % contre 36 % en 2010-2012. 

À la lumière enfin, d'un article de Clara de Bort sur le déploiement de la réserve sanitaire à trois reprises à Mayotte (180 réservistes ont assuré 4 042 jours de mission cumulés), en réponse au déficit de soignants, l'agence sanitaire insiste enfin sur « l'impérieuse nécessité » de renforcer en nombre et compétence les moyens pour assurer l'offre de soins et suggère de développer une stratégie de recrutement des professionnels de santé. En attendant, les missions de la réserve pour l'Outre-mer pourraient être élargies pour répondre aux besoins de la population. Des besoins qui seront d'autant mieux appréhendés qu'une grande enquête épidémiologique sera lancée par SPF, « dans les prochains mois »


Source : lequotidiendumedecin.fr