ARV en prévention chez les homosexuels

Nouvel espoir dans la lutte contre le VIH/sida

Publié le 25/11/2010
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Crédit photo : PHANIE

« ET DE DEUX », s’est réjouie l’association AIDES. Après les bons résultats de l’essai CAPRISA 004 sur un gel vaginal contenant un antirétroviral (tenofovir), qui avaient constitué un des principaux événements de la dernière conférence internationale sur le sida, à Vienne, « une nouvelle étude vient confirmer l’intérêt des traitements comme moyen de prévention ». L’étude CAPRISA, réalisée chez des femmes en Afrique du sud, était la première qui montrait l’efficacité d’un microbicide après des années d’échec. L’essai iPrEx (Preexposure Prophylaxis Initiative) démontre pour la première fois que la prise quotidienne d’un traitement antirétroviral par des séronégatifs permet de se protéger du VIH.

Les résultats, très attendus, sont « significatifs », a expliqué le Dr Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID), institut qui a financé la plus grande partie de l’étude, avec la Fondation Bill et Melinda Gates. Onze centres y ont participé dans 6 pays (Afrique du sud, Thaïlande, Pérou, Équateur, Brésil, États-Unis) et 2 499 personnes séronégatives, homosexuelles et transgenres. La moitié d’entre elles ont reçu une dose quotidienne de Truvada, une bithérapie antirétrovirale combinant du ténofovir et de l’emtricitabine (TDF/FTC), fournie gratuitement par les laboratoires Gilead et l’autre moitié, un placebo. Tous les participants ont été vus une fois par mois pour un test de dépistage et des conseils de prévention avant et pré-test avec remise de préservatifs. Après 14 mois de suivi en moyenne, la réduction du risque de transmission était de 44 %. Au cours de la période, 100 contaminations se sont produites, dont 64 dans le groupe placebo et seulement 36 dans le groupe actif.

Bientôt en France.

« Ce niveau de protection est très proche de la protection observée dans l’essai CAPRISA (réduction de 39 %) », commente l’ANRS (Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites), qui, depuis plusieurs mois, prépare le même type d’étude chez les homosexuels en France. « C’est un essai franco-québecois d’acceptabilité et de faisabilité qui porte sur un schéma de traitement intermittent à demande, lorsque la personne prévoit un rapport sexuel », explique le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’agence. L’étude internationale rendue publique cette semaine vient encore souligner le bien fondé de l’essai à venir même si la stratégie est différente privilégiant une prévention intermittente plutôt que continue.

« Ces résultats sont intéressants et c’est une bonne nouvelle », note le Pr Delfraissy. Ils le sont d’autant plus que la tolérance au traitement a été satisfaisante et qu’il n’a pas été observé de résistance du virus chez les personnes sous ARV infectées au cours de l’essai. De plus, « la survenue d’une infection est fortement corrélée à la non prise du médicament et à une mauvaise adhésion au traitement ». Le comptage des pilules à partir du pilulier a montré que parmi les 36 personnes sous ARV qui se sont infectées, seulement 3 prenaient régulièrement leurs médicaments. Le dosage sanguin a, lui, révélé que lorsque le médicament était détectable dans le sang, la réduction du risque était de92 %.

« C’est spectaculaire et permet d’asseoir les ARV comme outil de prévention », estime le Pr Gilles Pialoux, coinvestigateur de l’étude ANRS, même si dans la vraie vie, l’efficacité serait plutôt plus proche des 44 %. Auteur avec France Lert du rapport « Prévention et réduction des risques dans les groupes à haut risque vis-à-vis du VIH et des IST », dans le cadre d’une mission sur les nouvelles méthodes de prévention, il se réjouit de ce que dans l’étude du NIAID, il n’a pas été observé de modifications des pratiques à risque qui ont même eu tendance à diminuer mais de manière non significative. « C’est très important parce que la crainte d’une désinhibition est souvent brandie comme un épouvantail », insiste-t-il.

Une innovation et une avancée.

Pour France Lert, il s’agit d’une « innovation énorme pour les hommes, car il n’existait avant aucun moyen de ce genre ». Responsable du groupe de dépistage à l’ANRS, elle explique que, compte tenu de la persistance de l’épidémie et de la nécessité des traitements antirétroviraux à vie, la possibilité de disposer « d’un outil bien individualisé accessibles à ceux qui veulent se protéger » est une avancée qui permet de multiplier les moyens de prévention en fonction des situations et des contextes, « de détacher la prévention de l’acte sexuel lui-même ». De plus, cette prévention « n’est pas supportée par la personne atteinte mais par celle qui veut se protéger », poursuit le Pr Pialoux.

Le directeur de l’ANRS a déjà alerté le ministère sur les conséquences de ces résultats en termes de santé publique afin « qu’ils soient intégrés dans la réflexion en cours », indique-t-il. Mais il prévient : « Nous sommes encore dans le domaine de la recherche. Le temps n’est pas encore celui de la santé publique. La réflexion doit encore être affinée ». Les associations Aides, le TRT-5 et Act Up en ont bien conscience qui appellent « à la plus grande prudence concernant l’utilisation sauvage d’ARV par des séronégatifs pour se protéger du VIH ». La tentation, selon elles, serait forte. Elles insistent sur « l’espoir pour la recherche en prévention » que suscitent ces premiers résultats, qui doivent inciter les pouvoirs publics à accroître les financements dans le domaine.

* « New England Journal of Medicine », 25 novembre.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8863