La loi de bioéthique adoptée au Sénat

Nouvelle offensive pour la recherche sur l’embryon

Publié le 11/04/2011
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Crédit photo : S TOUBON

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APRÈS TROIS jours et demi de débats riches et animés, le Sénat a adopté vendredi dernier, en première lecture, le projet de loi sur la bioéthique. « Ce texte est satisfaisant, nous avons réussi à marier la raison et la sagesse », a estimé le rapporteur (UMP) Alain Milon.

Le sujet le plus délicat était la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Les sénateurs ont ratifié en séance la position de leur commission des Affaires sociales, qui avait décidé, lors de l’examen préalable du texte, de passer d’un régime d’interdiction avec dérogation à un régime d’autorisation encadré. Xavier Bertrand, qui avait fait le déplacement pour cette partie importante du débat, a plaidé en vain pour la première solution en faisant valoir que « nos règles actuelles ne nous ont pas fait prendre de retard scientifique ». « Le régime d’autorisation encadré est souhaité par les scientifiques que nous avons entendus, qui déplorent la frilosité du législateur français et qui indiquent combien le régime d’interdiction pénalise la recherche », a souligné pour sa part Alain Milon, en donnant en exemple le président Obama, qui a fait financer la recherches sur les cellules souches par les fonds fédéraux. « Interdire cette recherche, ce serait soumettre la recherche à des arguments idéologiques, ce que la France a toujours refusé », a-t-il estimé. L’amendement du gouvernement visant à maintenir l’interdiction avec dérogation a été rejeté par 187 voix contre 142.

La fin des bébés Thalys.

Un autre amendement voté par les sénateurs, présenté par le groupe PS/Verts, a contrarié le gouvernement : il élargit l’assistance médicale à la procréation (AMP) « à tous les couples », ce qui l’ouvre de facto aux femmes homosexuelles. Là encore, Xavier Bertrand a tenté d’infléchir la tendance en faisant valoir que l’AMP « est une réponse médicale à un problème médical ». Alima Boumediene-Thiery (Europe Écologie-Les Verts) a répondu qu’il fallait « tenir compte de la situation d’infertilité sociale, qui est à l’origine de procréations organisées à l’étranger », si bien, a-t-elle ajouté, que les Belges ont dû mettre en place des procédures particulières, dans leurs cliniques de fertilité, pour ces Français qui veulent « un bébé Thalys ».

Sur ces deux points, Xavier Bertrand comme Nora Berra ont été clairs : « Le gouvernement ne changera pas de position au cours de la navette » – le texte doit retourner devant les députés pour une deuxième lecture.

Les sénateurs n’ont pas suivi la commission sur la levée de l’anonymat pour les donneurs de gamètes, comme le prévoyait le texte d’origine présenté par Roselyne Bachelot ; la disposition a été rejetée par 199 voix contre 93. En revanche, ils ont suivi la commission pour rejeter le transfert d’embryon post-mortem, jugé contraire à l’intérêt de l’enfant, et refuser l’ouverture du don de gamètes aux personnes sans enfant, disposition adoptée par les députés pour remédier à la pénurie d’ovocytes. La gestation pour autrui et l’ouverture de l’AMP aux femmes seules ont également été rejetées.

Comme ils l’avaient également décidé en commission, les sénateurs ont supprimé le fait que le diagnostic prénatal soit proposé « lorsque les conditions médicales le nécessitent », un amendement introduit par le député Jean Leonetti (UMP) contre l’avis du gouvernement. Cet ajout « pose plus de problème qu’il ne paraît en résoudre », a estimé Alain Milon, évoquant « l’atteinte au principe d’autonomie du patient ». « On est loin des questions d’eugénisme », a indiqué la secrétaire d’État à la Santé alors que le débat tournait autour du dépistage de la trisomie 21. Plusieurs amendements visant à retoucher le double diagnostic préimplantatoire (DPI-HLA ou « bébé du double espoir ») ont aussi été retoqués. La technique de congélation rapide des ovocytes (vitrification), chère au Pr Frydman, a, elle, été inscrite dans la loi.

Un amendement PS/Verts visant à permettre aux personnes homosexuelles de donner leur sang a été vivement débattu. Le Sénat a finalement adopté un sous-amendement indiquant que « nul ne peut être exclu du don en dehors de toute contre-indication médicale ».

Enfin, le Sénat a imposé une clause de révision du projet de loi dans un délai de cinq ans. Ce type de débat inspire les membres de la Haute Assemblée. « C’aura été un des plus beaux débats de notre assemblée après celui sur l’aide à mourir », a estimé la sénatrice UMP Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des Affaires sociales.

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8942