Réseau de santé

Paris-Nord a 20 ans

Publié le 29/11/2010
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QUAND LE GÉNÉRALISTE Jean-Pierre Aubert décide, avec d’autres médecins en ville ou dans les hôpitaux du nord de la capitale, de fonder le réseau ville-hôpital Paris-Nord en 1990, l’épidémie de sida est incontrôlable. Les trithérapies ne sont pas encore arrivées. L’objectif premier est alors d’accompagner à domicile les malades en fin de vie. « Un accompagnement sinistre, car beaucoup de gamins mourraient à cette époque, mais qui a été très fructueux en terme d’organisation du système de soin », se souvient Jean-Pierre Aubert. En effet, les médecins hospitaliers et généralistes dépassent leurs contentieux pour collaborer, et font appel à un large personnel soignant, des infirmiers aux psychologues en passant par les auxiliaires de vie ou les pédicures. C’est la naissance du modèle de soins palliatifs.

Très vite, les membres du réseau prennent conscience de la « catastrophe », selon les mots du Dr Aubert, que représente l’hécatombe des toxicomanes. Cette population à risque s’exclut des soins par peur de l’hôpital, où il n’existe, à cette époque, pas encore de traitement de substitution. « Nous souhaitions raccrocher les usagers de drogues à un système de soins, explique le médecin, et nous avons donc développé un deuxième pétale du réseau. » Cette ouverture à un nouveau public est officialisée en 1999 lorsque le réseau prend son nom actuel : Réseau de santé Paris-Nord. Aux pôles des maladies infectieuses et des addictions, viennent s’ajouter en 2000 une spécialité Personnes âgées, puis Cancer en 2007. « Le modèle que nous avions expérimenté pour les personnes séropositives a fait école et fonctionne assez bien », souligne Jean-Pierre Aubert.

Aujourd’hui, l’association est en relation avec 1 900 médecins libéraux, sans compter le personnel des hôpitaux de la rive droite, à qui elle propose de nombreuses formations. Elle compte plus de 2 000 patients, envoyés par leurs médecins traitants ou les établissements partenaires. En vingt ans, le réseau de santé a considérablement étendu son offre de services, grâce à la coordination des différents professionnels (dentistes, pédicures, diététiciens, psychologues). Il a toujours affiché un seul et même objectif : faire du lien un véritable mode de soin. L’une des spécificités du réseau Paris-Nord est à cet égard une équipe de 25 psychologues partenaires qui exercent dans les quatre pôles. « Les psychologues sont essentiels : ils aident une personne âgée à mettre sa vie en ordre avant de partir ou une femme à vivre après le cancer, et convainquent un jeune séropositif de se soigner », explique la psychologue et coordinatrice Catherine Nizac. Le réseau propose ainsi un soutien psychologique gratuit et temporaire (neuf séances) pour les patients et les aidants, parfois à leur domicile s’ils sont âgés.

Une structure toujours expérimentale

Pour l’avenir, le réseau santé Paris Nord a de grandes ambitions, comme le développement de l’accès aux soins pour les plus précaires et la mise en place une branche consacrée à la santé mentale.

Pourtant, les inquiétudes sont là. « Cela fait 20 ans que le réseau existe et 20 ans qu’il est expérimental ! », explique Jean-Pierre Aubert. « Sans financement pérenne, nous devons négocier nos fonds tous les trois ans », poursuit-il, en soulignant toutefois que l’administration française n’a jamais totalement abandonné ces structures. Mais la mise en place des Agences régionales de santé, susceptibles de restreindre les budgets, peut faire changer les choses. « Pourtant, le lien social n’a pas de prix ! », s’indigne Catherine Nizac.

COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 8865