PMA : pratique quotidienne, recherche et société

Publié le 06/10/2010
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« LE DR ROBERT EDWARDS est un vrai pionnier. Il a toujours eu des idées novatrices. Le choix du Comité Nobel est donc parfaitement légitime » : les premiers mots du Dr Jacques de Mouzon (INSERM, hôpital Cochin, Paris), membre du bureau responsable du registre mondial de la procréation médicalement assistée (PMA) et président du registre européen, sont élogieux. Pour J. de Mouzon, par ailleurs, la PMA est une technique très particulière car « tout à la fois utilisée en routine et, en même temps, en pleine évolution ».

Une pratique de plus en plus fréquente.

Technique de routine : les chiffres parlent d’eux-mêmes, tant au plan européen (1) que mondial (2). « La procréation médicalement assistée concerne des millions d’enfants. Elle est à l’origine chaque année dans le monde d’environ 250 000 naissances. » Bien plus encore, le recours à la PMA est en augmentation constante. Ainsi, entre 2000 et 2002, le nombre de recours à l’aide médicale à la procréation a augmenté de plus de 25 %. Ces données sont issues de 55 pays et concernent pratiquement toute l’Europe, l’Amérique du Nord et Latine, le Proche-Orient, l’Australie et l’Asie, notamment le Japon. Les données sont manquantes ou parcellaires pour certains pays comme la Chine. D’autres pays ont également une pratique de la PMA, quoique moins importante. Mais la hausse de l’activité est constatée dans la plupart des pays.

En France, plus de 53 000 procédures sont entreprises chaque année, pour 11 184 naissances, soit une évolution de 5 % par rapport à l’an 2000. Il existe de fortes disparités entre l’Europe occidentale par exemple et les pays en voie de développement, mais même en Europe. Ainsi, environ 2 % des enfants sont nés par PMA en France, et 5 % au Danemark…

Des aspects sociaux, éthiques, économiques, réglementaires…

Les progrès techniques en matière de la fécondation in vitro sont à rapprocher de questions sociales non résolues. C’est en particulier le cas de ce que l’on nomme le « tourisme procréatif », terme décrivant mal une réalité mieux décrite par sous le terme anglo-saxon de « cross-border reproductive care ». « Il ne s’agit en effet pas de tourisme », précise Jacques de Mouzon. En effet, l’insémination artificielle chez une personne célibataire et le recours aux services d’une mère porteuse sont interdits en France. Mais la législation est plus permissive dans d’autres États. Cela explique que certains vont chercher à l’étranger l’enfant que le droit français leur refuse. Une étude très récente montre qu’en Europe, le « phénomène transfrontalier » est bien ancré (3). De nombreux patients se rendent ainsi à l’étranger pour échapper à une législation restrictive dans leur propre pays. Certains voient là une pratique condamnable ou une carence de la législation. Inversement, d’autres considèrent que ce phénomène peut être considéré comme une possibilité offerte aux couples de mettre en œuvre leur projet de procréation. Un débat qui n’est pas près d’être clos…

Références

(1) De Mouzon J, V. Goossens V, S. Bhattacharya S, et coll. Assisted reproductive technology in Europe, 2006 : results generated from European registers by ESHRE. Hum Reprod 2010 ; 25 (8) : 1851–62.

(2) De Mouzon J, Lancaster P, Gosta Nygren K, et coll. World Collaborative Report on Assisted Reproductive Technology, 2002. Hum Reprod 2009 ; 24 (9) : 2310-20.

(3) Shenfield F, de Mouzon J, Pennings G, et coll. Cross border reproductive care in six European countries. Hum Reprod 2010 ; 25 (6) : 1361–8.

Dr GÉRARD BOZET

Source : Le Quotidien du Médecin: 8830