LA SANTE EN LIBRAIRIE - Neurosciences et révolution cognitive

Quand la pensée réfléchit sur elle-même

Publié le 05/04/2011
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COMMENT naissent, vivent et meurent les idées ? C’est sur leur processus d’élaboration qu’a travaillé ce neurophysiologiste, membre de l’Académie des sciences, professeur émérite à l’université Claude-Bernard de Lyon et fondateur de l’Institut des sciences cognitives. Retraçant cinquante ans de recherches scientifiques autour de nombreuses figures connues et moins connues des neurosciences, Marc Jeannerod raconte les institutions et décrypte la double révolution, conceptuelle et technique, qui a permis de faire un pas de géant dans la compréhension du fonctionnement cérébral et donné un nouveau visage à la neuropsychologie. La révolution cognitive, en conférant de nouveau au « sujet » une place essentielle, a conduit à se centrer sur « tout ce que le behaviorisme interdisait de regarder ». Ce qu’elle a découvert, soutenue en cela par la révolution d’ordre plus technologique qu’est le développement de l’informatique, est le sujet de l’ouvrage.

Que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque nous produisons des mouvements, lorsque nous avons simplement l’intention d’en produire, lorsque nous imaginons en produire ou lorsque nous observons les autres ? Marc Jeannerod propose ainsi une synthèse pour le grand public, avisé, car le sujet est complexe, de ses travaux sur les liens intimes entre nos propres mouvements et la compréhension de ceux des autres, sur les rapports multiples et sophistiqués entre vision et action, intention et action. Ce faisant, il souligne les frontières de son champ d’expertise avec la philosophie, la psychiatrie et consacre tout un chapitre à la psychanalyse. Dans ces pages intitulées « Comment j’ai échappé à la psychanalyse », l’auteur revient sur les dissensions et les rapprochements possibles, à la lumière des neurosciences, de la psychologie cognitive et de la psychanalyse freudienne et de leurs apports respectifs dans la compréhension des relations interindividuelles.

Dans un passionnant développement sur les expériences permettant de mieux comprendre la genèse de l’action volontaire et son rôle dans la construction de la conscience de soi, Marc Jeannerod explique son point de vue sur l’altération des mécanismes du sens de soi et la perte de l’identité personnelle dans les maladies mentales comme les psychoses, par exemple.

Le chercheur, qui affirme « sa propension à se laisser guider par l’observation selon une stratégie caractérisée précisément par l’absence de stratégie définie à l’avance », revient aussi sur les difficultés du métier, dans le monde de la course à « l’impact factor » et au nombre de publications, et souligne la valeur et l’utilité des livres comme de ce qu’il nomme les « écoles de pensée » ; lui à qui on manque rarement de rappeler, qu’il a le « style Jouvet » .

Marc Jeannerod, « la Fabrique des idées », Odile Jacob, 245 pages, 24,90 euros.

Dr CAROLINE MARTINEAU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8938