Rejet de greffe rénale : un algorithme développé en France validé à l'international pour fiabiliser le diagnostic

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Publié le 09/05/2023
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Crédit photo : PHANIE

Comment simplifier et sécuriser la classification des rejets de greffe rénale devenue de plus en plus complexe depuis 30 ans ? Une équipe d'Université Paris Cité, de l'Inserm et de l'AP-HP a développé un assistant informatique automatisé, qui permettrait de corriger 40 % des diagnostics erronés de rejet d'allogreffe. Les résultats de cette recherche sur une automatisation de la classification internationale Banff ont été publiés dans « Nature Medicine ».

« Cet outil permettra de mieux traiter les patients et également d'améliorer les essais cliniques et le développement de traitements immunosuppresseurs », explique le Pr Alexandre Loupy du Centre d'expertise de la transplantation multi-organes de Paris, qui a dirigé l'étude.

Le rejet est la principale cause d'échec après transplantation rénale. Or, le diagnostic de rejet, qui nécessite désormais d'intégrer des données extrêmement diversifiées à la fois histologiques, immunologiques ou encore transcriptomiques, est devenu une problématique quotidienne : les situations où il est difficile à poser sont de plus en plus fréquentes. « Face au nombre grandissant d'erreurs diagnostiques (...), les sociétés savantes et internationales de transplantation ont appelé les chercheurs du monde entier à réagir et trouver une solution », est-il rappelé dans un communiqué commun Université Paris Cité/Inserm/AP-HP.

Envisager l'ensemble des scénarios possibles

Ce travail s'appuie sur un consortium multidisciplinaire réunissant « des experts en transplantation, néphrologie, anatomopathologie, mais aussi en sciences des données, épidémiologie, biostatistiques, programmation informatique et intelligence artificielle », explique le Pr Loupy. La première partie de l'étude a été de réaliser une revue systématique de la littérature scientifique afin de colliger l'ensemble des règles diagnostiques de la classification de rejet publiées ces trois dernières décennies. Une collaboration entre médecins, data scientists et développeurs-programmeurs informatiques a ensuite eu pour objectif de « traduire ces règles en un algorithme informatique couvrant l'ensemble des scénarios possibles de rejets », lit-on.

Cet algorithme s'utilise via un assistant informatique automatisé disponible en ligne, qui interprète instantanément les données médicales complexes renseignées par les médecins. « Il s'agit en quelque sorte d'un agent conversationnel spécialisé dans les rejets », indique dans le communiqué Daniel Yoo, data scientist et co-premier auteur. Le médecin obtient ainsi en quelques clics un diagnostic correct avec un compte rendu de l'analyse et un arbre décisionnel expliquant le raisonnement.

Une validation clinique

La deuxième partie de l'étude a ensuite démontré l'utilité clinique de cet assistant informatique chez plus de 3 000 patients transplantés rénaux recrutés dans 20 centres de référence européens et nord-américains. Pour cela, les chercheurs ont comparé les diagnostics initiaux avec ceux obtenus par le système automatisé.

Au total, ce sont 4 409 biopsies issues de 3 054 patients qui ont été analysées. Chez les adultes, le système a reclassifié 83 des 279 (29,75 %) cas de rejets médiés par les anticorps, et 57 des 105 (54,29 %) rejets médiés par les cellules T, alors que 237 des 3 239 (7,32 %) biopsies diagnostiquées comme des non-rejets par les anatomopathologistes ont été requalifiées en rejets. Chez les enfants, les taux de reclassification étaient de 8 sur 26 (30,77 %) pour les rejets humoraux et de 12 sur 39 (30,77 %) pour les rejets cellulaires.

« Le système informatique nous a permis de reclasser plus de 40 % de diagnostics erronés de rejets parmi les patients que nous avions recrutés et de poser des diagnostics plus précis », résume le Dr Valentin Goutaudier, néphrologue et épidémiologiste, premier auteur.

Un outil éthique et coopté

Pour le Pr Loupy, la médecine de précision a besoin « d'outils d'aide au diagnostic fiables, robustes, précis, largement validés et démontrant un bénéfice réel et mesurable pour les patients ». « Il est également capital que ces systèmes digitaux soient éthiques et bénéficient d'une transparence complète tant dans leur construction que dans l'interprétation et le rendu des résultats », souligne-t-il.

Cet assistant informatique a été « validé par toutes les sociétés internationales de transplantation et sera donc prochainement utilisé par les équipes du monde entier pour améliorer la prise en charge des patients, est-il rapporté. Il permettra également de standardiser les diagnostics de rejet dans les essais cliniques de nouvelle génération, afin de faciliter le développement de nouveaux traitements immunosuppresseurs. »


Source : lequotidiendumedecin.fr